Festival de Vesoul | Critique : A Bedsore

Gang Chang-sik, fonctionnaire à la retraite, vit avec sa femme, Na Gilsoon, qui a fait une hémorragie cérébrale il y a quelques années, et son aide à domicile, Yu Soo-ok, sino-coréenne en situation irrégulière. Un jour, une escarre se développe sur le corps de Na Gil-soon…

A Bedsore
Corée du Sud, 2019
De Shim Hye-jung

Durée : 1h49

Sortie : –

Note :

BLESSURES SECRÈTES

Quelle que soit la situation (ou presque), Soo-ok, aide à domicile, ricane et/ou est totalement exaltée. Est-ce un signe de bonhomie ou est-elle tout simplement folle ? La réalisatrice coréenne Shim Hye-jung, qui s’est illustrée dans le cinéma expérimental comme dans le documentaire, n’aime pas qu’on sache exactement sur quel pied danser dans A Bedsore – et c’est évidemment une qualité. Le ton de la première partie du long métrage flirte avec l’oxymore : la cruauté y est drolatique, on y déclame de façon lyrique des poèmes sur les hauts et les bas de la vie tandis que la vieille héroïne avachie dans le cadre est en train de gémir. Le traitement naturaliste de l’image met paradoxalement plutôt en valeur les grimaces malicieuses de l’écriture.

Ces ambigüités se retrouvent totalement dans le portrait sociétal confectionné par Shim. Dans cette famille, personne ne tient vraiment « son rôle » : le père est démissionnaire, la mère est inconsciente, les enfants lointains voire absents. Tout le monde passe son temps à désobéir et à dépasser les bornes. Soo-ok est vue comme un ovni – et pourtant cette infirmière ressemble à un fantasme d’ « épouse idéale » : elle cuisine, elle sourit, elle est de bonne compagnie. Shim observe avec un certain mauvais esprit ces rôles figés qui sont ici sans cesse transgressés. Les frontières sont toutes floues, et l’on ne sait plus très bien dans A Bedsore si c’est l’aide à domicile qui s’insère dans la vie privée d’une famille ou si c’est cette famille qui s’insère dans sa vie à elle.

Lors d’une scène apparemment anodine, Soo-ok insiste pour regarder son soap opera favori. Tout y est too much et rocambolesque… mais peu à peu, ce spectacle télévisé semble contaminer la vraie vie. Le film commence comme une comédie romantique à l’humour ironique pour devenir une tragédie romantique au premier degré. Les virages de A Bedsore sont inattendus mais les ruptures ne sont pas toujours fluides, et la seconde partie plus sérieuse fait un peu basculer le film dans une certaine langueur. Celui-ci retombe néanmoins sur ses pattes lors d’une double fin poignante, entre sécheresse elliptique et mystère surréel.

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par Nicolas Bardot

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