Entretien avec Romain Laguna

Les Météorites est le premier long métrage du Français Romain Laguna. Ce récit d’apprentissage côtoie le fantastique et le merveilleux quand sa jeune héroïne voit une météorite enflammer le ciel et s’écraser dans la montagne. Film sur le quotidien le plus trivial comme sur l’imaginaire et ses désirs, Les Météorites sort ce mercredi 8 mai en salles et Romain Laguna est notre invité.

Quel a été le point de départ des Météorites ?

La première pulsion était de filmer les paysages dans lesquels j’ai grandi. J’avais aussi en tête une légende occitane ; l’histoire raconte que le Caroux (la montagne qu’on voit dans le film) serait les corps de deux titans, Cebenna et Rhéa, que Zeus aurait transformé en pierre pour les punir de leur amour. Ce mythe a nourri l’écriture et d’une certaine façon m’a empêché de tomber dans la chronique. C’est comme ça que le personnage de Nina a émergé. Mais j’avais aussi envie de m’emparer de la réalité d’un territoire. Béziers, avec son centre-ville, la diversité de ses quartiers, la feria… Sur un tout petit territoire, beaucoup de communautés se mélangent, parfois se confrontent, créant un climat particulier. À Béziers, on sent le conflit culturel. Plus globalement, la société française est en train de changer, les cultures se mêlent, s’entremêlent, se brouillent et se nourrissent, avec simultanément cette tentation du repli communautaire. Je crois que la question de l’identité traverse tout le film.

Le film mêle des scènes du quotidien le plus banal à une tension étrange et onirique. Comment travaille t-on sur cet équilibre lors de l’écriture ?

Le quotidien de Nina est ennuyeux dans ce petit village où il ne se passe rien de fabuleux. C’est un été comme un autre, dans la chaleur du sud. Et puis un jour, il y a le passage de cette météorite… Nina l’interprète comme le signe qu’il va lui arriver quelque chose de fantastique. On est dans sa tête, porté par sa croyance pour ce garçon, et dans sa quête de signes, face à un réel toujours un peu déceptif et trivial. Au final, on ne voit pas grand chose du ciel et de l’espace, on les perçoit surtout à travers le fantasme de Nina. Je voulais parler d’une fille qui s’éveille dans son rapport au monde, à l’univers, à l’infiniment petit et à l’infiniment grand, à la croyance. J’aime le naturalisme, mais aussi le film de genre. J’avais envie de jongler avec tous ces désirs contradictoires.

Comment avez-vous abordé le traitement formel du film avec votre directeur de la photographie Aurélien Marra ?

Je crois qu’on a abordé le traitement de toutes les façons possibles et imaginables avant qu’un certain pragmatisme s’impose, au fur et à mesure que les repérages et le casting venaient compléter le puzzle du film. Le choix du 4/3 par exemple, est arrivé quelques semaines avant le début du tournage, ça nous a semblé évident sans qu’on puisse vraiment se l’expliquer. On a fait tous mes courts métrages ensemble et il y a quelque chose d’instinctif dans notre façon de travailler. Généralement, on découpe nos séquences le jour même sur le plateau. Je prends toujours un long moment de répétition avec les comédiens pendant lequel il est là en observateur. Ils partent aux HMC et on découpe la scène.

Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?

À 17 ans, ce sont les films de Gregg Araki qui m’ont donné envie de faire du cinéma, notamment Nowhere, sorte de teen-movie complètement barré et apocalyptique. Pour rester chez les américains, j’aime aussi beaucoup Carpenter, Spielberg, Cameron et Verhoeven… Starship Troopers est le meilleur film de SF de tous les temps ! Sinon Profession Reporter d’Antonioni, les films de Kurosawa ou de Bresson ont été clairement fondateurs. Parmi nos contemporains, Kechiche, Nuri Bilge Ceylan, ou Jia Zhangke sont ceux qui m’impressionnent le plus. Les Eternels… J’ai pris une énorme claque !

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?

Frédéric Lemaître, dans Les Enfants du Paradis, de Marcel Carné : « La nouveauté, la nouveauté ! Mais mon ami, c’est vieux comme le monde la nouveauté… »

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 6 mai 2019. Un grand merci à Marie Queysanne et Sara Bléger.

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