Festival de Sarlat | Critique : Diamant brut

Liane, 19 ans, téméraire et incandescente, vit avec sa mère et sa petite sœur sous le soleil poussiéreux de Fréjus. Obsédée par la beauté et le besoin de devenir quelqu’un, elle voit en la télé-réalité la possibilité d’être aimée. Le destin semble enfin lui sourire lorsqu’elle passe un casting pour « Miracle Island ».

Diamant brut
France, 2024
De Agathe Riedinger

Durée : 1h43

Sortie : 20/11/2024

Note :

DIVINE

Liane, 19 ans, colle minutieusement ses strass sur sa tenue. Ses pieds sont blessés mais une fois ses souliers scintillants chaussés, il n’en paraîtra plus rien. Qui peut bien voir les blessures de Liane derrière son armure – ou derrière son masque : lorsqu’elle applique son contouring, on a en effet le sentiment que la jeune femme va faire du drag. C’est, en partie, ce qu’est Liane : à la fois déguisée et à nu, artificielle et totalement réelle. Voilà les intéressants contrastes qu’explore la Française Agathe Riedinger dans Diamant brut, premier long métrage qui a catapulté sa réalisatrice directement dans la compétition cannoise.

Pas vraiment de quoi rêver dans le quotidien d’une grande ado de Fréjus ? Pour Liane qui voit loin, n’importe quel poteau de parking peut servir de barre de pole dance. La jeune femme a des rêves d’aujourd’hui : devenir star de télé-réalité et influenceuse fortunée. La première réussite de Riedinger est de traiter sans condescendance l’obsession de Liane ; si ses sentiments sont aussi excessifs que ceux de n’importe quel.le ado, sa volonté de fer impose le respect. « Arrêtez de me regarder avec votre pitié » : l’héroïne de Diamant brut, qu’on pourrait facilement mépriser comme n’importe quelle protagoniste écervelée et étiquetée bimbo, n’attend pas qu’on vienne la sauver de quoi que ce soit.

Pourtant, Agathe Riedinger n’élude pas le cynisme de la machine à exploiter. Lors d’une scène de casting, l’héroïne et son interlocutrice échangent ensemble mais parlent clairement de choses différentes. Liane veut faire de la télé-réalité pour « montrer qui elle est vraiment ». Il y a un oxymore qui se cache derrière tout cela, mais Liane n’en a que faire. La structure pas si évidente de la narration de Riedinger évite la formule classique du rise & fall. « Est-ce qu’elle va trouver un joli garçon ? » entend-on, mais là encore le film évite un cliché avec cette héroïne qui ne cherche pas de prince pour l’aider, merci pour elle. Il y a beaucoup de surplace dans la vie de Liane, tandis que les dangers se multiplient sur sa route. L’intensité chromatique de l’image souligne le drame, mais c’est surtout la prestation bluffante de Malou Khebizi qui donne corps et âme au film.

Le téléphone greffé à la main, Liane lit les commentaires des réseaux sociaux qui à l’écran ont des allures de saintes écritures. Il est beaucoup question de personne élue et de foi dans Diamant brut, et dans ce décor très trivial (un endroit banal, une vie familiale terne, un rêve qui peut sembler très prosaïque), Agathe Riedinger parvient à retranscrire le feu qui anime son héroïne. A l’image de la stripteaseuse Nomi Malone dans Showgirls, la top-model Jesse dans The Neon Demon ou la popstar Celeste dans Vox Lux, Liane ne cherche pas simplement à être une héroïne de télé : Agathe Riedinger raconte, dans le contexte le moins approprié et donc le plus surprenant, la naissance d’une déesse.

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par Nicolas Bardot

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