Festival de La Roche-sur-Yon | Critique : Dìdi

Été 2008. Chris, adolescent americano-taïwanais de treize ans, n’a peut-être plus école mais il s’apprête à apprendre bien des choses, sur le skate, sur l’amour et sur sa propre mère

Dìdi
États-Unis, 2024
De Sean Wang

Durée : 1h33

Sortie : –

Note :

PETIT FRÈRE

Prix du public et prix d’ensemble pour sa distribution au Festival de Sundance, Dìdi (qui signifie petit frère) est le premier long métrage de fiction de l’Américain Sean Wang. Celui-ci s’est distingué auparavant avec son court métrage documentaire Nai Nai & Wài Pó (qui mettait en scène Zhang Li Hua, que l’on retrouve dans le rôle de la grand-mère) ou encore à la production du réjouissant Summertime, sorti chez nous en 2021 après son passage entre autres à La Roche-sur-Yon. Sans être strictement autobiographique, Dìdi pioche parmi les expériences de jeunesse du cinéaste : celles traversées par un gamin asio-descendant aux États-Unis.

Chris est un ado, c’est l’été, et comme tous les ados de tous les teen-movies/récits d’apprentissages estivaux, Chris va apprendre plein de choses. Sur son rapport à sa mère, à sa sœur, à ses amis, à ses amours… Plus précisément, Chris est censé apprendre plein de choses, comme le veulent les archétypes voire les clichés du genre. Mais le mode d’emploi de l’adolescence dans la vraie vie n’est jamais aussi net qu’au cinéma. Dìdi raconte ce qui ne fonctionne pas aussi facilement que dans une comédie romantique. Il n’oublie pas non plus à quel point être adolescence est un territoire d’exploration de la stupidité, de la maladresse, du malaise et de la cruauté.

Sean Wang dépeint cela d’abord sous la forme d’une comédie dynamique, chaleureuse, prenant pour cadre particulier la fin des années 2000. Les réseaux sociaux sont de plus en plus présents, certains existent depuis quelques années, d’autres viennent de naître, et ceux-ci modifient notre rapport aux autres. Mais aussi à soi-même : comment Chris, gamin pas spécialement populaire à l’extérieur, va pouvoir se mettre en scène depuis sa chambre et son ordinateur ? Sean Wang aborde cette question avec une tendresse amusée, tandis que les indispensables outils modernes utilisés ressemblent désormais à des reliques (de Myspace à une messagerie AOL) et que les références musicales sont celles de groupes dont l’éclat était plus fort il y a 15 ans qu’aujourd’hui (de Belle & Sebastian à Panic at the Disco).

Tout passe, tout est éphémère, mais tout ici est universel, à commencer par le désir contrarié de trouver sa place. Dìdi affirme sa singularité à travers son jeune héros : en effet, combien de teen-movies mainstream pouvons-nous citer dont le protagoniste principal (et pas le meilleur pote ou le troisième rôle au collège) est un adolescent asio-américain ? Avec Chris, Sean Wang pose les questions du racisme normalisé, subi ou intériorisé. Voilà qui déploie le charme de la comédie tendre vers un récit plus amer et mélancolique. Si, dans sa conception, Dìdi reste dans des codes identifiés d’un « film Sundance », Sean Wang témoigne d’un habile savoir-faire avec ce film plaisant et populaire.

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par Nicolas Bardot

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