Critique : Un amor

Natalia, la trentaine, se retire dans un village de la campagne espagnole pour échapper à un quotidien stressant. Elle se heurte à la méfiance des habitants, se lie d’amitié avec un chien, et accepte une troublante proposition de son voisin.

Un amor
Espagne, 2023
D’Isbael Coixet

Durée : 2h08

Sortie : 09/10/2024

Note :

J’AI HORREUR DE L’AMOUR

Une citadine au bout du rouleau quitte son travail et s’offre sur un coup de tête une maison à la campagne. Dans ce village où personne ne la connait ni ne l’attend, elle fait rapidement la connaissance d’un voisin charmant et charmeur. L’amour sera-t-il dans le pré ? Tous les éléments semblent réunis pour faire d’Un amor une comédie romantique suivant sagement les archétypes des téléfilms de Noël américains, sauf que le film est signé Isabel Coixet et qu’en 35 ans de carrière, la cinéaste espagnole a su montrer qu’elle maniait l’art des sympathiques décalages.

Coixet n’a pas peur des archétypes, mais elle préfère leur tourner autour pour mieux les bousculer plutôt que de leur montrer trop de respect. Tout d’abord, le coin de campagne où elle choisit de situer le récit n’a rien d’une carte postale enneigée ou propice à la fiesta. Perdu au milieu des régions rocailleuses du nord de l’Espagne, ce village encerclé de montagnes maussades évoque plutôt les paysages tourmentés des sœurs Brontë. Quant à l’attitude des locaux face à cette citadine égarée, elle ne ressemble pas davantage à un comité d’accueil. L’hiver s’annonce rude, la masure achetée par l’héroïne est pleine de courant d’air, et personne n’a le temps ou l’envie de lui faire des cadeaux. On comprendrait qu’elle rebrousse chemin illico, mais quelque part sous la surface gelée, quelque chose va néanmoins germer. Et sans trop en révéler, il ne s’agit pas de la romance attendue.

Isabel Coixet embrasse la rugosité des paysages, des personnages et des situations sans pour autant pousser l’amer bouchon vers une radicalité qui n’a de toute façon jamais été son genre. Un amor est son film au style le plus direct depuis longtemps, à l’opposé par exemple des effets visuels clinquants de Nieva en Benidorm, et cette simplicité sied à la fausse naïveté du récit. Même en changeant de style, Coixet ne perd pas son sens du romanesque. L’étrange relation sans sentiments qui lie l’héroïne à son voisin est-elle oui ou non une histoire d’amour ? Le titre du film est-il d’une ironie cinglante ou vient-il au contraire gentiment clouer le bec à ses personnages qui se croient capables d’étouffer les élans de leur cœur ? Coixet parvient à faire de cette question le cœur de ce drame à la fois plus rugueux et touchant qu’il n’y parait.

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par Gregory Coutaut

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