Festival de San Sebastian | Critique : Quand vient l’automne

Michelle, une grand-mère bien sous tous rapports, vit sa retraite paisible dans un petit village de Bourgogne, pas loin de sa meilleure amie Marie-Claude. A la Toussaint, sa fille Valérie vient lui rendre visite et déposer son fils Lucas pour la semaine de vacances. Mais rien ne se passe comme prévu.

Quand vient l’automne
France, 2024
De François Ozon

Durée : 1h42

Sortie : 02/10/2024

Note :

HORS SAISON

Le tout premier plan de Quand vient l’automne montre un clocher surplombant un paisible décor rural. François Ozon remet-il l’église au centre du village dans son nouveau long métrage ? Tout semble en tout cas bien à sa place dans le quotidien de Michelle, 80 ans (incarnée par Hélène Vincent, parfaite comme le reste de la distribution). Celle-ci va respectueusement à la messe, rend service à son amie, est entièrement disponible pour sa fille et son petit-fils. Elle se fait sa cuisine, recoiffe sa tresse, lit un polar de Ruth Rendell, observe la lune, part à la cueillette des champignons – les jours de cette dame sont ordonnés et pourtant, un danger est si vite arrivé : attention à ne pas cueillir une fausse girolle dans les bois.

Qu’est-ce qui reste dissimulé, qu’est-ce qui se passe dans la tête de Michelle, qu’est-ce que la caméra tente de saisir en s’approchant lentement d’elle ? Lors d’une discussion familiale à table, c’est le non-dit qui prime. « Qu’est-ce qu’il a fait ? » demande innocemment le petit-fils au sujet d’un adulte qui sort de prison. « Rien ! », s’empresse-t-on de répondre en passant au dessert. Les protagonistes ont davantage à montrer que ce que les apparences suggèrent – Quand vient l’automne ne vient pas simplement raconter le quotidien d’une mamie gâteau en Bourgogne. Il nous semble important de ne pas trop en dévoiler, mais l’une des belles qualités de cet Ozon, après la farce plus simple de Mon crime, est d’avoir des personnages qui gagnent en épaisseur et qui se déploient au fil du film.

Quel est le passé d’une octogénaire ? Michelle a eu le temps d’avoir plusieurs vies, mais ce type de question qui devrait être banale se pose dans peu de films. Initialement, tout apparaît très net à l’image. On peut saluer une fois de plus le soin apporté à la direction artistique, toujours plus minutieux chez Ozon qu’ailleurs dans le cinéma français : les décors jouent un rôle narratif remarquable dans ce que sont les personnages. Et pourtant, tout devient de plus en plus ambigu. Les personnages de Quand vient l’automne font de bonnes actions, mais doivent également se débrouiller avec leur passé. C’est un film sur les secondes chances, le jugement, la mauvaise morale – et comment l’on s’arrange avec celle-ci. Comme dans Miséricorde d’Alain Guiraudie, le compas moral a beau être tordu, celui-ci devient ironiquement le meilleur outil, la meilleure boussole vers un dénouement vertueux.

Quand vient l’automne est un titre un peu passe-partout pour un film qui pourrait aussi s’intituler Sous le sable, Le Temps qui reste, Grâce à Dieu, Mon crime. Tout s’est bien passé ? Tout pourrait bien se passer, malgré les fantômes qui resurgissent comme Bruno Cremer réapparaissant devant les yeux de Charlotte Rampling. Plus que la destruction familiale féroce à la Sitcom, Quand vient l’automne propose une réinvention et une redistribution libératrices de la famille qui sont plus proches d’Une nouvelle amie. C’est un film sur les mauvaises mères, sur les mauvaises filles. Sur toutes les nuances et perspectives qui ne les rendent pas si mauvaises. Ce drame riche dont la tension emprunte au thriller s’inscrit dans la partie plus mainstream de la filmographie d’Ozon, mais le cinéaste trouve le subtil équilibre pour ne pas diluer ce qui constitue le cœur de son cinéma – les marges et l’irrévérence face aux conventions.

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par Nicolas Bardot

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