Festival de Toronto | Critique : Daughter’s Daughter

Jin, la soixantaine, est divorcée. Elle apprend la mort de sa fille et de sa compagne dans un accident. Ces dernières étaient à New York, et ont entamé un processus de fécondation in vitro. Arrivée aux États-Unis, Jin apprend qu’elle a hérité de l’embryon de sa fille.

Daughter’s Daughter
Taïwan, 2024
De Huang Xi

Durée : 2h06

Sortie : –

Note :

BONNE MÈRE

La Taïwanaise Huang Xi s’est distinguée il y a sept ans avec son premier long métrage, Missing Johnny. De manière assez déconcertante, cette merveille produite par Hou Hsiao-hsien (également producteur sur ce nouveau film) n’avait jamais été montrée en festivals en France avant sa diffusion dans le programme Les femmes de Taïwan font des vagues au Forum des Images, en 2023. Huang a depuis réalisé une série télévisée (Twisted Strings, où elle a dirigé Sylvia Chang) avant de signer ce second long, Daughter’s Daughter, dévoilé en première mondiale dans la compétition du Festival de Toronto.

Alors que Missing Johnny laissait une place précieuse à la contemplation, Daughter’s Daughter ne perd pas de temps et s’ouvre à peu près immédiatement sur des remarques passives-agressives partagées en famille autour d’un lit d’hôpital. Voilà qui caractérise en quelques instants la relation entre une mère et sa fille, la première ne sachant visiblement pas témoigner son affection à la seconde autrement qu’en faisant des réflexions. Cette chronique familiale aux figures et au déroulement relativement traditionnels est un récit plus mainstream que Missing Johnny – ce n’est pas un défaut si ce n’est que le premier long de la cinéaste faisait preuve d’une personnalité plus singulière.

On reconnait néanmoins le talent formel de la réalisatrice. Comme dans son premier long, Huang Xi fait preuve d’une habileté remarquable pour filmer la ville et rendre chaque décor expressif – comment tel ou tel lieu partagé par une multitude de personnes peut exprimer intimement les émotions d’un personnage. D’une grande élégance, avec notamment un brillant travail sur les couleurs, le long métrage peut compter sur la photographie signée Hung-i Yao, déjà collaborateur de Huang Xi sur Missing Johnny et qui a également travaillé avec le Chinois Bi Gan.

L’autre atout évident de Daughter’s Daughter est évidemment son actrice principale, Sylvia Chang. La star taïwanaise délivre l’une des performances de l’année dans ce rôle complexe – pas une mère courage figée mais une mère comme les autres, avec ses échecs. Celle-ci, confrontée à la violence du deuil, se retrouve dans une situation étrangère, dans un monde étranger. Huang Xi fait le choix scénaristique sensible de morceler ici ou là la narration en mettant en scène ce qui lui revient, ses souvenirs et ses regrets. A-t-elle été une bonne mère ? A-t-elle été elle-même une bonne fille ? Huang dépeint sa solitude avec finesse. Il y a une dimension poignante dans ce film qui ne peut pas être une histoire de réconciliations puisque celles-ci sont désormais impossibles. Malgré tout, quel chemin détourné Daughter’s Daughter trouve-t-il pour raconter la reconstruction inattendue d’une famille ? Jusqu’au bout, le film s’interroge avec intelligence ce que cela signifie, d’être une bonne mère – tout en n’ayant jamais de réponse toute faite.

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par Nicolas Bardot

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