Festival de Locarno | Critique : Skill Issue

Simon s’est échappé du cours de gym et se retrouve au bord d’une rivière avec un groupe d’adolescents. Entre matelas gonflables et vains bavardages, le temps s’écoule aussi lentement que la rivière. Ce n’est que lorsque Marie apparaît et que tous deux sont catapultés dans la forêt voisine suite à un incident inattendu qu’ils échappent à la léthargie et entrent dans le règne intemporel de ce paysage enchanté.

Skill Issue
Allemagne, 2024
De Willy Hans

Durée : 1h34

Sortie : –

Note :

CE SENTIMENT DE L’ÉTÉ

Simon est tout seul. C’est l’été, son quartier désert est plongé dans le silence et la maison familiale est vide. Même son chat ne vient pas quand il lui remplit son assiette. Simon ne s’en étonne pas, habitué comme tous les adolescents à cette période de léger ennui estival où il ne se passe rien mais où tout pourrait arriver pour peu qu’on prenne un chemin de traverse. Cette atmosphère de torpeur à la fois réaliste et mystérieuse, mise en valeur par la texture de l’image et par une musique discrète mais planante, réjouira les habitués d’un certain cinéma allemand délicat à la Les Bruits du dehors.

Quand Simon croise un camarade qui l’invite à rejoindre une bande d’amis à la rivière, il a une seconde d’hésitation avant de dire oui. Une fois tout le monde réuni au bord de l’eau, il ne se passe pourtant rien d’extraordinaire, du moins en apparence. On échange des anecdotes mais on ne s’écoute qu’à moitié, on s’agace de ne pas arriver à se faire comprendre, on s’embrasse en cachette… c’est une journée comme une autre dans la vie d’adolescents nonchalants mais la caméra suggère quelque chose d’autre dans sa manière de venir cadrer les personnages et de laisser le plus de place possible à la nature, au vide entre les protagonistes. Ainsi, quand l’un d’entre eux commence à raconter un rêve, la caméra s’éloigne pour ne plus filmer personne.

Ces ados à demi-nus parlent de tout et de rien mais on devine comme une difficulté dans leurs relations, même leur chahut a l’air forcé comme si rien ne leur venait naturellement. Il ne se déroule presque rien dans Skill Issue mais derrière son rythme exigeant, le film est riche d’une atmosphère singulière et énigmatique. D’abord discrète, la caméra part vagabonder loin des protagonistes, glisse le long de la surface de l’eau, se cache sous des cailloux et vole même carrément dans les airs le temps d’un saisissant basculement onirique. Cette petite parenthèse qui décolle loin du réel pourrait être plus puissante encore, mais elle témoigne déjà d’une vraie personnalité de cinéaste.

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par Gregory Coutaut

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