Festival Black Movie | Critique : Agora

Le retour de trois personnes disparues dans leur ville natale risque de bouleverser l’ordre établi. La nouvelle doit être tenue secrète, mais l’intrigue se corse et de nombreuses personnes se retrouvent impliquées. Tout ceci prend place dans le rêve imaginaire d’une chienne bleue et d’un corbeau noir.

Agora
Tunisie, 2024
De Ala Eddine Slim

Durée : 1h42

Sortie : –

Note :

RÉUNION SECRÈTE

Selon la définition d’origine issue de Grèce antique, l’agora désigne à la fois une réunion de citoyens et la place publique sur laquelle celle-ci se déroule. Des citoyens, il n’y en a pourtant aucun à l’horizon dans les scènes stupéfiantes qui ouvrent le film. Ni même des humains. A l’abri des regards dans un coin de nature, des cadavres d’animaux échangent par télépathie des considérations sur le monde des rêves et sur une inquiétante prophétie à venir. « Préparons-nous au pire » nous prévient un texte imprimé directement sur ces images. C’est en réalité le second avertissement de cet inclassable long métrage, après qu’un plan d’introduction sur des paupières sans visage nous ait lancé la plus paradoxale des invitations : « fermez les yeux ».

Les humains arrivent bel et bien dans le récit, mais celui-ci conserve une très excitante part de mystère. Dans un village moderne mais qui parait coupé du monde, des événements étranges commencent à avoir lieu. Simples faits divers ou bien signes avant-coureurs surnaturels d’une apocalypse ? Dans des recoins sombres et des décors en ruine, accompagnés d’une inquiétante musique mi-folklorique mi-électro, une poignée d’hommes taiseux décident de mener une enquête secrète évoquant Kiyoshi Kurosawa ou certains épisodes d’X-Files. Pour tout dire, le scénario d’Agora s’approche parfois d’une forme de edging à force de lents secrets. Cinéaste habitué aux films quasi entièrement muets, Ala Eddine Slim n’a l’air qu’à moitié à l’aise au moment d’offrir des pistes d’explication dialoguées dans son dénouement. C’est sans doute là la limite d’un film fou qui semble par ailleurs ne s’en imposer aucune.

Après The Last of Us et Sortilège, Agora vient en effet confirmer le talent rare du cinéaste tunisien pour mettre en scène des paraboles fantastiques à la beauté radicale. Ce n’est pas seulement que ses images sont superbes (un minaret de néons en pleine nuit, par exemple) ou inattendues (le ciel est à la fois rose et noir, la mer qui rougit). C’est plutôt qu’on retrouve ici avec un bonheur galvanisant l’impression qu’absolument rien ne peut arrêter sa caméra. « Dans les fantasmes, rien n’arrête le regard » nous confiait d’ailleurs le cinéaste à propos de Sortilège. Son ambitieuse grammaire visuelle, pleine de trouvailles qui font écarquiller l’œil de plaisir, trouve son point d’orgue dans une séquence sidérante qu’on serait coupable de décrire trop en détails.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article