Festival de Karlovy Vary | Critique : Windless

Après des années d’absence, Kaloyan retourne dans sa Bulgarie natale afin de vendre l’appartement de son défunt père. Ce qu’il envisage au départ être une tâche routinière dépourvue d’émotion se transforme progressivement en un voyage au plus profond de son être, où il devra faire face à des traumatismes lointains.

Windless
Bulgarie, 2024
De Pavel G. Vesnakov

Durée : 1h33

Sortie : –

Note :

JE REVIENS

Un homme couvert de tatouages revient dans son village natal en Bulgarie après des années d’absence. Ses airs franchement pas commodes et l’absence d’explication quant à sa disparition prolongée pourraient laisser penser que le protagoniste sort de prison, mais ce serait en réalité plutôt l’inverse. Après avoir fui son pays pour aller vivre plus librement en Espagne, Kaloyan (interprété par le rappeur bulgare Ognian ‘FYRE’ Pavlov) ne revient pas sur ses terres pour des raisons sentimentales : son père est décédé, et l’appartement familiale va être rasé. Kaloyan se retrouve à devoir affronter seul un passé et un pays qu’il a fui. Ce qui, dans son esprit, ne va constituer que quelques formalités administratives, va se révéler un voyage plus amer et intense que prévu.

C’est d’ailleurs à une logique similaire qu’obéit Windless, qui débute par des scènes factuelles et en apparence dénuées de tout sentiment pour pourtant aboutir à un résultat poignant. Quand débute le long métrage, celui-ci est si dur qu’on pourrait avoir l’impression qu’il nous tourne le dos, comme ce protagoniste dont ne voit d’ailleurs que l’arrière du crâne, et qui ne montre son visage qu’après quelque temps. Tel un métronome doux-amer, le scénario alterne deux types de scènes, toutes deux filmées en plans fixes. D’une part des actions manuelles plongées dans un silence contemplatif (détruire un sommier, conduire une voiture), mais mises en valeur par la superbe photo d’Orlin Ruevski. De l’autre côté, des monologues filmés en plans plus rapprochés.

Dans ces derniers, ce n’est quasiment jamais le protagoniste qui s’exprime, mais celles et ceux qu’il rencontre au fil de sa tâche ingrate consistant à devoir déplacer les corps inhumés de ses parents. Ces gens ont tous un récit à partager, une anecdote sur la famille de Kaloyan ou sur la vie d’avant. Tous ces monologues (où les souvenirs évoqués deviennent progressivement de plus en plus durs) ont pour point commun d’être tous tournés vers le passé, comme s’il était impossible de vivre dans le présent. Windless vient de faire sa première mondiale au Festival de Karlovy Vary, et comme le grand lauréat de l’édition précédente (Blaga’s Lessons), ce film dépeint une société bulgare où il n’y a plus aucune place pour la chaleur humaine, et où l’héritage historique est une geôle.

Avec toute cette dureté sur les épaules et cette structure narrative frôlant parfois la répétition, Windless est un drame incisif bien exigeant. Cela est heureusement rééquilibré par la dimension esthétique du film, par moments si stupéfiante que cela devrait en réalité être la toute première qualité que l’on évoque pour décrire le long métrage. Filmé dans un format rigoureusement carré, la course en rond de Kaloylan pour faire la paix avec son passé devient à la fois plus angoissante et plus humaine. Dans ce monde où les horizons sont coupés et bouchés, le moindre gros plan vient crever l’écran presque comme un effet 3D. Windless n’a sans doute rien d’un visionnage de confort, mais il s’agit d’une réussite esthétique à applaudir.

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par Gregory Coutaut

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