Festival de Karlovy Vary | Critique : Stranger

La chambre d’hôtel comme espace temporairement intime, un endroit où tout le monde est un étranger. Chaque récit de Stranger se déroule dans une de ces chambres.

Stranger
Chine/Etats-Unis, 2024
De Yang Zhengfan

Durée : 1h53

Sortie : –

Note :

CHAMBRE AVEC VUE

Ce pourrait être un tableau d’Edward Hopper : une jeune femme est filmée dans la solitude d’une chambre d’hôtel, immobile et pensive, assise au bord d’un lit. C’est le premier plan de Stranger, réalisé par le Chinois Yang Zhengfan dont on a pu remarquer le travail en tant que producteur (Present.Perfect. puis A River Runs, Turns, Erases, Replaces de Shengze Zhu, sélectionnés notamment à Cinéma du Réel et au Festival des 3 Continents). Cette fiction met en scène une dizaine d’histoires se passant en chambre d’hôtel : c’est une étape lors d’un voyage, c’est la journée de travail d’une femme de ménage qui n’est désignée que par un nombre, c’est une descente de flics – autant de chambres et autant de récits.

Couronné par le Grand Prix dans la compétition Proxima au Festival de Karlovy Vary, Stranger présente ses petits sketchs parfois inégaux, certains plus vivants et d’autres exigeants. Les histoires sont très différentes, les choix formels aussi – un parti pris qui ne fige pas trop le film dans une forme de systématisme. Il s’agit certes à chaque fois d’une longue prise sans coupe, mais cela peut être un cadre fixe, une caméra qui panote, ou encore une caméra plus vive à l’épaule. Chacune s’adapte à la tonalité, parfois avec malice : un travelling circulaire célèbre une cérémonie de mariage où l’on agite les enveloppes rouges, mais le même travelling dévoile également l’envers de la photo et la mise en scène conjugale.

A mi-film, lors d’une surprenante transition, un avion décolle en pleine nuit et figure une possible échappée onirique. Deux protagonistes de Stranger, dans un autre segment, discutent sous une grande carte du monde. La chambre d’hôtel chez Yang Zhengfan est filmée certes comme un lieu privé, mais à l’intérieur d’un lieu partagé. Ce sont des personnes chinoises dans leur pays, mais qui sont comme des étrangers. Un plan éloquent montre une série de fenêtres et les différentes réalités juxtaposées les unes à côté des autres. Stranger propose un travail sur les échelles assez ludique et stimulant, suggérant tout un territoire en parcourant, sur une confortable moquette, quelques simples mètres carrés.

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par Nicolas Bardot

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