Festival de Karlovy Vary | Critique : Our Lovely Pig Slaughter

La mise à mort d’un cochon est une tradition que Karel attend avec impatience chaque année. C’est la seule chance pour toute la famille de se réunir à la ferme, de passer un bon moment, de se chamailler et de déguster de la bonne nourriture. Mais cette fois, les choses sont différentes.  

Our Lovely Pig Slaughter
Tchéquie, 2024
D’Adam Martinec

Durée : 1h25

Sortie : –

Note :

C’EST UN VRAI PLAISIR DE RESPECTER LES COUTUMES

Au cœur d’Our Lovely Pig Slaughter, premier long métrage du cinéaste tchèque Adam Martinec, se trouve une tradition typique de son pays : la zabijačka. Ce rituel rural pouvant durer une journée entière consiste à se réunir en famille pour tuer, dépecer, préparer et enfin manger un cochon spécialement élevé pour l’occasion. Récemment interdite par l’Union européenne, cette pratique demeure bien ancrée dans l’imaginaire collectif tchèque. Comme toutes les traditions, on ne s’en débarrasse pas comme ça, même si on en a envie.

Dans ce film choral porté par une nostalgie chaotique, toute la famille s’est réunie à la ferme du grand-père, et chacun fait preuve d’excitation ou d’investissement à des degrés très variables. Karel, le pater familias interprété par le propre père du réalisateur, prend les choses en main avec l’enthousiasme de ceux qui se croient investis d’une mission, sans réaliser qu’autour de lui tout le monde lève les yeux au ciel. Les sourires sont pincés mais chacun s’attèle à sa tâche, puisqu’il faut bien que les habitudes soient respectées et que le cochon soit tué comme il faut.

Comme par la magie des traditions si bien ancrées qu’on ne peut même plus les expliquer logiquement, les rôles se distribuent d’eux mêmes : les femmes résignées aux fourneaux et les hommes fanfarons déjà à l’apéro dans le jardin. Mais Adam Martinec n’a pas de fascination contemplative pour la tradition, il ouvre son film avec une musique épique et une angoissante question : a-t-on coupé trop d’oignon ou pas assez ? Personne ne s’accorde sur la recette, les divergences montent vite à ébullition dans la marmite familiale, les sous-entendus et règlements de comptes passifs-agressifs fusent. L’engueulade épique qui pointe sous la surface n’explose pourtant jamais réellement. 

Plutôt qu’un jeu de massacre, Martinec propose ici une chronique au ton doux-amer qui sait rester bienveillant, mettant en scène une famille occupée à empêcher les derniers liens qui les unissent de se défaire pour de bon. Tous participent à ce rituel profane qui prend parfois des airs de ronde magique (on peut finir recouvert de sang comme dans un film d’horreur), comme s’ils espéraient un miracle. Les recettes, les liens familiaux et les traditions nous servent-ils de points d’ancrage ou de murs de prison ? Our Lovely Pig Slaughter filme avec un humour triste et élégant la fin d’un petit monde.

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par Gregory Coutaut

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