Robespierre est un court métrage d’une charmante mélancolie qui raconte l’histoire d’un jeune homme revenu à Paris, dans le quartier de Belleville, après une longue absence. Ce portrait d’une subtilité douce-amère est présenté cette semaine au Festival de Sarlat. Son réalisateur, Pierre Menahem, est notre invité.
Pouvez-vous nous parler du choix de Belleville et de la façon dont vous avez souhaité mettre en scène ce quartier ?
Je vis à Belleville depuis longtemps et je suis tout simplement amoureux de mon quartier, de sa diversité sociale et culturelle, de son énergie créatrice et militante, de ses boulevards et de ses ruelles, de ses pentes et de ses escaliers, de ses parcs et de ses bistrots. Ce film est très personnel, j’avais envie qu’il me ressemble et besoin de l’ancrer dans mon quotidien, de filmer les lieux que j’aime et que j’emprunte quotidiennement. Je n’aurais pu envisager de le tourner dans un autre quartier ou une autre ville. Les lieux, les décors, les paysages que je filme sont au cœur de mon travail, aussi essentiels que les personnages. C’était également le cas avec les Alpes dans Le Feu au lac, mon premier film. Pour le moment je n’arrive à filmer que ce/ceux que j’aime, je l’accepte sans me poser trop de questions.
Comment avez-vous abordé l’écriture de ce récit, en quelque sorte, épisodique ? Comment avez-vous envisagé les différentes rencontres faites par le protagoniste ?
Une écriture très libre et guidée par le principe de plaisir plutôt que de construction dramaturgique. J’avais profondément envie d’un film de quartier et de personnages, plus que d’intrigue. Appelons ça une chronique, ou une déambulation comico-mélancolique, qui épouse le parcours des rencontres de Max, mon personnage principal, avec néanmoins une structure en boucle autour d’une confrontation avec le père, au début et à la fin. Entre les deux, Max fait des rencontres et se révèle un peu plus à chacune d’entre elles, exprime un goût pour les autres mais également un malaise profond, un sentiment d’échec, une peur de la précarité, de ne pas trouver sa place. Les rencontres de hasard, avec leur lot de chance ou de malchance, d’excitation et d’incertitude, sont formidables à vivre, et tout aussi formidables à écrire.
Il y a une dimension queer qui est à la fois évidente et en lisière dans Robespierre. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet aspect du récit ?
Je suis homosexuel et encore une fois il s’agit d’un film très personnel, où j’évoque ce qui m’est familier. J’avais besoin de m’identifier fortement à Max, même s’il n’est pas moi, et donc qu’il soit homo, sans que cela soit un sujet ou pose problème. Son père et ses amis sont à l’aise avec ça, il peut le vivre sans en souffrir et tant mieux pour lui. Sa souffrance est ailleurs et certainement plus générationnelle que centrée sur l’orientation sexuelle. De manière plus générale, j’apprécie en tant que lecteur et spectateur que des minorités sexuelles et/ou racisées soient au cœur de récits qui épousent la différence comme une évidence et non un problème, sans chercher à la questionner ou à la thématiser.
Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
Mes références sont très diverses en fonction de mes films. Pour Robespierre, j’ai été inspiré par Jonas Trueba et Joachim Trier. Eva en août et Oslo 31 août ont en commun, dans des styles et des tonalités très différentes, de suivre le parcours d’un personnage dans une grande ville en été et de construire un mystère autour de leur solitude, de leur désœuvrement et/ou de leur souffrance.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent à l’écran ?
Dieu merci cela m’arrive très souvent car je suis avant tout un spectateur éclectique et enthousiaste. La semaine dernière donc, j’ai été fasciné par les merveilleux personnages de punks à chien aux vies aux mille morceaux de Fainéant.es de Karim Dridi, des personnages qu’on ne voit jamais au cinéma et qui dégagent une énergie prodigieuse. Quelques jours auparavant, j’ai été électrisé par les personnages incroyablement complexes, mystérieux et constamment surprenants de Miséricorde d’Alain Guiraudie, qui explore toujours le même sillon, la force du désir, mais se renouvelle constamment, cette fois-ci avec un jeune acteur formidable que je ne connaissais pas, Felix Kysyl.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 10 juin 2024. Un grand merci à François Martin Saint Léon.
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