Critique : L’île rouge

Début des années 70, sur une base de l’armée française à Madagascar, les militaires et leurs familles vivent les dernières illusions du colonialisme.

L’île rouge
France, 2023
De Robin Campillo

Durée : 1h57

Sortie : 31/05/2023

Note :

LES VACANCES DE L’AMOUR

« Bienvenue sur le lieu de tous les plaisirs », c’est avec ces mots que nous sommes accueillis dans L’Île rouge, le nouveau long métrage de Robin Campillo. Ces mots sont prononcés par les soldats français, résidant avec leur familles insouciantes à Madagascar, sur une base militaire qui ressemble davantage à un village vacances coupé de la réalité quotidienne du pays. Les plaisirs ont effectivement l’air d’être partout à portée de main : jardins luxuriants, superbes plages ombragées, confort presque luxueux du mess des officiers. Pourtant, qui s’amuse vraiment ici ?

L’île rouge ne possède pas à proprement parler de personnage principal unique. Comme 120 battements par minutes, il s’agit davantage d’un récit de groupe mais ici, les adultes colonialistes et leurs petites lâchetés quotidiennes sont vus à travers les yeux d’un enfant sensible. Adultes et enfants s’ennuient et se trompent au soleil ou en cachette, dans une succession d’épisodes anecdotiques qui évoquent moins les précédents films de Campillo (ou même sur un sujet pas si éloigné, le Pacifiction d’Albert Serra) que certains Téchiné un peu convenus ou, plus encore, une version dramatique de La Baule-les-Pins de Diane Kurys.

L’Île rouge se concentre en effet tout du long sur des micro-événements bourgeois, attendant le tout dernier acte pour les mettre en perspective avec les problèmes plus graves et amples de la population locale. Le parti pris est efficace dans sa soudaineté mais arrive comme un cheveu sur une soupe très tiède. En attendant ce dénouement, tout est platement raconté sur le même niveau, suscitant un intérêt très relatif et une unique question épuisée : est-ce que tout ceci parle réellement de quelque chose ?

Ce ne sont pas les épisodes maladroits où déborde l’imagination du jeune narrateur qui viennent rééquilibrer cet ennui général (même si cela donne au film une scène d’introduction diablement inattendue). C’est quand Campillo se départ enfin de son scénario qu’il rassure enfin sur sa présence derrière la caméra, à coup de brefs ralentis sur des paysages, des corps, des fossiles ; des plans superbes et suspendus, hélas trop rares, qui viennent scintiller comme des éclats de quartz perdus dans le sable d’une plage trop banale.

 

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par Gregory Coutaut

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