Festival de Karlovy Vary | Critique : Human Flowers of Flesh

Ida, une femme d’une quarantaine d’années, vit avec un équipage de cinq personnes sur un voilier. Lors d’une permission à Marseille, la Légion étrangère française attire l’attention d’Ida, qui se fixe un nouvel objectif : traverser la Méditerranée pour se rendre dans la ville algérienne de Sidi Bel Abbès, siège de la Légion jusqu’à l’indépendance du pays en 1962.

Human Flowers of Flesh
Allemagne, 2022
De Helena Wittmann

Durée : 1h46

Sortie : prochainement

Note :

LE SILENCE DE LA MER

Ce sont d’abord des pieds sur la terre ferme qui apparaissent à l’écran dans Human Flowers of Flesh – une image qui, rétrospectivement, est assez incongrue. Car les protagonistes du second long métrage de l’Allemande Helena Wittmann, très remarquée après son premier film Drift, vont s’embarquer pour un grand voyage en mer et le film entier baigne dans l’élément aquatique. Ce voyage tangue, suit la sinuosité des vagues, et peut, comme la mer, être imprévisible, enveloppant et séduisant.

Human Flowers of Flesh est un film à la fois très factuel (on marche, on nage, on danse) et tout à fait abstrait (rien ou presque n’est expliqué, commenté). On perçoit parfois des dialogues ? Ce sont des phrases entendues ici ou là mais l’essentiel de ce qu’on écoute est ailleurs. C’est le bruit des vagues, du vent, d’un avion, du fer à repasser, des cordages, des moucherons, de tirs. L’absence de dialogues laisse une place précieuse et assez rare au paysage sonore dans lequel on s’immerge comme dans une mer chaude.

Plus sensoriel que cérébral, Human Flowers of Flesh est un long métrage qui, au-delà de l’ouïe, stimule aussi le regard. Qu’est-ce qu’on aperçoit à travers des herbes ? A travers un hublot, dans les ombres, tout au fond de l’eau, dans un fondu au blanc, dans des images réalisées en cyanotype ? Il y a une dimension ludique dans cette énigme ; c’est un puzzle qui fait naître toute les questions : qui sont ces personnages ? Où vont-ils ? Qu’est-ce qui se trame entre eux ? L’absence de renseignements nets pourrait faire naître une frustration mais c’est au contraire une conception assez envoûtante du cinéma et de son pouvoir qui ressort de ce pari.

C’est parfois juste ça : ne rien faire. Wittmann trouve son interprète parfaite avec la Grecque Angelikí Papoúlia et son expressivité muette. Il y a un troublant jeu sur les échelles à l’œuvre dans Human Flowers of Flesh, où les humains ne sont que des éléments de la nature parmi d’autres, où l’horizon dans cette odyssée peut se limiter à des détails, des objets, des couleurs – l’infiniment petit jusqu’à d’étranges images au microscope qui constituent une curieuse parenthèse.

Dans Human Flowers…, on entend, malgré la rareté des dialogues, plusieurs langues qui se mélangent. Le film, pourtant, raconte avec sensibilité une expérience de la solitude – même ensemble – et crée une intimité magnétique. Cette intimité peut parfois s’exprimer par un dialogue souterrain avec un autre film (Beau travail, explicitement cité). C’est parfois inexpliqué. « Pour moi, faire un film c’est aussi créer un espace pour percevoir des choses qui peuvent facilement se perdre dans la vie quotidienne, qui passent au travers de notre vision et notre écoute », commente la cinéaste.

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par Nicolas Bardot

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