Critique : Feu follet

Alfredo, un roi sans couronne sur son lit de mort, est ramené à de lointains souvenirs de jeunesse et se rappelle de l’époque où il rêvait de devenir pompier. La rencontre avec l’instructeur Afonso, du corps des pompiers, ouvre un nouveau chapitre dans la vie des deux jeunes hommes plongés dans l’amour et le désir, et à la volonté de changer le statu quo.

Feu follet
Portugal, 2022
De João Pedro Rodrigues

Durée : 1h07

Sortie : 14/09/2022

Note :

LE FEU QUI M’ATTISE

Très vite dans Feu follet (Fogo fatuo), on entend une musique à la tonalité insouciante – mais cette comptine a pourtant un propos environnemental. Elle donne l’esprit de ce nouveau long métrage du Portugais João Pedro Rodrigues qui sait rire de motifs sérieux tout en ne s’en moquant pas ; c’est un conte décalé, c’est une farce camp, c’est, comme le décrit le cinéaste lui-même, une fantaisie musicale. 2069 (une autre année érotique) : un prince est mort et l’on sait que la mort est souvent présente chez Rodrigues. Celle-ci est surtout un prétexte pour se plonger dans les souvenirs roses du jeune prince blond, au fil d’un film porté, comme l’indique Rodrigues, par le désir d’offrir au public « une expérience de joie et de plaisir ».

C’est d’abord une joie visuelle : rouge, jaune ou bleu, le film rayonne de ses couleurs primaires et le directeur de la photographie Rui Poças, collaborateur habituel du cinéaste, confirme qu’il est l’un des meilleurs du monde à son poste. C’est une joie aussi car le film est une comédie, un genre que Rodrigues n’a approché que par touches dans Mourir comme un homme. Lors d’un repas de famille royal, on lance quelques scuds camp dans le tintement des couverts dorés ; dans une caserne de pompiers, on croise une commandante butch comme échappée d’un John Waters. Tel un insaisissable feu follet, le film semble avant tout dédié à la légèreté.

Mais c’est par-dessus tout une joie érotique. A l’image de L’Ornithologue et de son récit d’initiation dans une forêt merveilleuse, Feu follet raconte une initiation – et même plusieurs. L’initiation d’un prince qui se rêve pompier, l’initiation d’un jeune homme aux beaux arts et, de façon évidente, l’initiation à l’érotisme. Par le regard et la mise en scène de Rodrigues, tout devient érotique : les arbres sont gonflés de sève et les analogies de sexes dressés crèvent les yeux, les exercices de gainages et les plans sur les cuisses musclées nous perdent entre entrainement de pompier et échauffement avant un tournage porno, les vestiaires sont priés d’être nimbés de buée tandis qu’on les traverse au mieux en jockstrap. Dans ce conte twisté, c’est le prince qu’il fut sauver, et là encore massages cardiaques et PLS prennent une toute autre signification. Enfin, lorsqu’on parle d’art, on rejoue des peintures du Caravage dans le plus simple appareil – soulève-moi comme dans un Vélasquez a-t-on envie de dire après la projection.

Tout cela constitue une humble et réjouissante bulle ludique qui régulièrement trouve le bon esprit. Les bites en érection sont tellement fausses qu’elles sont (encore!) camp, un rideau peut s’ouvrir et se fermer sur l’action comme sur une scène, et un jouet de pompier nous rappelle que toute cette histoire est un jeu. Avec quelques pincées de politique, un nappage érotique et beaucoup de malice dans ce cake d’amour.

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par Nicolas Bardot

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