Cristi, un gendarme roumain, garde son homosexualité secrète car il travaille dans une institution publique extrêmement macho. Le jour même où son petit ami français vient lui rendre visite pour quelques jours, Cristi est appelé pour une intervention dans une salle de cinéma, où un groupe ultranationaliste et homophobe a saboté la projection d’un film queer…
Poppy Field
Roumanie, 2020
De Eugen Jebeleanu
Durée : 1h21
Sortie : 28/09/2022
Note :
L’IMPASSE
Dans une chambre, dans un cinéma, dans une voiture : Poppy Field est un film qui se déroule presque intégralement dans des lieux aussi cloisonnés que la vie privée de Cristi, policier dans le placard. La toute première scène du film est la seule à se passer dans la rue, et elle suffit à donner le ton de la violence que le protagoniste s’impose à lui-même : d’un mouvement de tête discret mais nerveux (et franchement malpoli), Cristi évite la caresse que veux lui donner son amant. Une fois caché dans son appartement, il donne pourtant l’impression d’être un garçon certes timide mais épanoui comme les autres. D’ailleurs, avec ses personnages musclés nonchalamment allongés en slip dans le champ de la caméra, la première partie du film n’est pas la plus surprenante. C’est quand Cristi se retrouve enfermé dans un autre décor qu’il change de visage et le film avec.
Cristi et son unité son appelés dans un cinéma pour disperser un groupe d’agitateurs homophobes venus perturber la projection d’un film lesbien. Le temps d’un plan puissant, Cristi baisse la tête, filmé de dos, et sa silhouette se réduit alors à son uniforme. Dans cette salle de spectacle, Cristi n’est en effet plus que son métier, obligé de « faire le job » et d’obéir dans l’urgence à ses collègues eux aussi homophobes. On devine qu’il a l’habitude de s’écraser et de s’effacer pour paradoxalement mieux rouler des mécaniques en uniforme. Or, ce jour-là, parmi le public du film se trouve un ancien amant qui reconnait Cristi et essaie de lui faire entendre raison. La violence que celui-ci s’impose à vivre caché va alors se traduire en violence envers les autres.
Poppy Field ne ressemble heureusement pas à la navrante comédie islandaise Cop Secret. L’homosexualité du héros n’est ici pas un prétexte, mais bel et bien l’enjeu principal du scénario, et celui-ci a l’honnêteté intellectuelle de ne pas se contenter de faire son héros un innocent martyr, mais bien un complice malgré lui de la violence homophobe. Il n’y a pas de bons ou de mauvais flics dans Poppy Field, les personnages de policiers sont nuancés mais il n’y en a pour autant pas un qui arrête le cycle de cette violence-là. Le film s’achève sans doute trop rapidement, mais son échelle réduite ne l’empêche pas de poser les bonnes questions. Dans ce huis-clos de poche, être gay et flic à la fois n’est pas seulement un casse-tête, c’est une impasse.
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par Gregory Coutaut