Primé à la dernière Berlinale et sélectionné cette semaine au Festival Entrevues Belfort, Day is Done raconte une visite familiale au grand-père qui ressemble à un adieu. Le Chinois Zhang Dalei signe un film d’une tendresse et d’une délicatesse bouleversantes avec un élégant usage du non-dit : une véritable merveille. Zhang Dalei est notre invité.
Quel a été le point de départ de Day is Done ?
La motivation vient essentiellement de mes souvenirs, pas forcément d’un en particulier, mais de toute la période qui précède l’an 2000. Quand nous avons parlé pour la première fois du thème de ce court métrage (la vie quotidienne orientale), le temps est la chose qui m’est venue en premier à l’esprit. Il y avait alors un sens fort du temps qui passe dans la vie quotidienne, où vous pouviez clairement ressentir les heures qui s’écoulent, du matin au soir, avec entre les deux le midi, l’après-midi, le soir et le crépuscule. Après 2000, il n’y a plus eu que le jour et la nuit. Ces jours ordinaires d’avant 2000 me manquent et j’avais envie de les filmer.
L’histoire de Day is Done est simple et minimaliste, mais elle est aussi extrêmement émouvante. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont vous avez écrit une histoire aussi forte ?
En ce qui concerne l’écriture de scénario, je suis assez catégorique sur le fait que je ne dois pas raconter une histoire ou un événement. Chaque élément narratif doit permettre de prendre du recul. Et la chose la plus importante est l’émotion véhiculée par cet après-midi, y compris les sons, les odeurs et les sentiments intérieurs. Cela ne peut donc pas être considéré comme un scénario de film standard, c’est peut-être plus proche d’un essai personnel.
Comment avez-vous abordé la mise en scène de Day is Done ?
Le style visuel vient de mon passe-temps qui est d’observer, de regarder. Je fais de mon mieux pour filmer selon un angle de vue, en pensant à l’endroit où je vais me tenir, afin de regarder la famille à distance et de ressentir tout l’espace. Le son, les images et l’odeur sont tout aussi importants. Bien que je ne puisse pas représenter l’odeur visuellement, tout le monde sur le plateau peut la ressentir, et c’est cette sensation qui est exprimée dans le film. Par ailleurs, je me suis imposé le fait de rester subjectif, sans être trop familier, par conséquent je ne sais pas grand-chose de plus que le public sur les personnages.
Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
J’aime beaucoup de cinéastes. Parmi eux, il y a les cinéastes d’expression chinoise comme Hou Hsiao-hsien, Jia Zhangke, Fei Mu, King Hu, etc. Mais aussi des cinéastes internationaux comme Andrei Tarkovski, François Truffaut, Aki Kaurismäki, Darezhan Omirbayev, Jirí Menzel, Yasujirô Ozu, etc. Beaucoup de cinéastes formidables ont eu une influence sur moi de diverses manières, m’aidant à trouver et établir ma propre esthétique et ma propre vision. Hou Hsiao-hsien et Andrei Tarkovski m’ont toujours influencé spirituellement.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?
J’avoue que je suis toujours un peu en dehors du cinéma mainstream et de la tendance, avec toujours un demi-temps un peu plus lent. C’est pourquoi je ne connais pas très bien tous les nouveaux réalisateurs de ces dernières années, et je n’ai peut-être pas vu toutes les bonnes œuvres dans les festivals. Je ne prends guère l’initiative d’en chercher de nouveaux : quand un film m’impressionne, je dépense mon énergie à trouver l’intégralité des œuvres de son réalisateur, voire des informations en lien avec ce dernier, et il y a certains films que je regarde encore et encore, sans compter le nombre de fois.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 30 septembre 2021. Un grand merci à Jing Xu et Donnie Cai.
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