Critique : Holy Emy

Lorsque leur mère est contrainte de retourner aux Philippines, les sœurs Emy et Teresa mènent une vie tranquille au sein de leur communauté catholique soudée d’Athènes. Cependant, lorsque Teresa tombe enceinte, Emy est de plus en plus attirée par d’autres forces plus mystérieuses qui vivent en elle.

Holy Emy
Grèce, 2021
De Araceli Lemos

Durée : 1h51

Sortie : 22/03/2023

Note :

EMY MAGIQUE

Des gouttes de sang perlent dans une baignoire comme un mauvais présage au tout début de Holy Emy. Mais dans son très étonnant premier long métrage, la Grecque Araceli Lemos (lire notre entretien) déjoue régulièrement les attentes, et lorsqu’elle lance des pistes, elle sait aussi habilement en effacer les traces. Il y a dans Holy Emy un très étrange mélange de réalisme social et de… quoi donc au juste ? De mystère ? De merveilleux ? Difficile de coller une étiquette et voilà d’ores et déjà une qualité précieuse pour un premier essai.

La caméra de la cinéaste s’arrête un temps sur un poisson hors de l’eau, à la recherche d’air. L’allégorie, est ici clairement plus lisible, mais la façon qu’a Lemos de faire un récit politique sort des sentiers battus. Car même lorsque la cinéaste a recours au surnaturel, Holy Emy n’est jamais vraiment tourné comme un film fantastique. C’est un drame social, mais dont les outils ne se situent pas tant dans le réalisme que dans le surnaturel. C’est un film sur le déracinement, sur l’exploitation de personnes racisées, mais la marge ici n’est jamais regardée comme dans un poverty porn. A l’image de la jeune héroïne, traitée comme une sainte et esclave à la fois.

Ce point de vue offre au film une tension très singulière – ce sentiment que chaque scène peut basculer à tout moment. Lorsque Lida (Angeli Bayani, formidable actrice philippine vue chez Lav Diaz, Anthony Chen ou actuellement dans Onoda) parle du démon qui possède peut-être Emy, une chorale religieuse entonne à côté d’elle une chanson kitsch sur l’esprit saint qui habite les corps. Lemos est à l’aise avec ce genre de rupture. Holy Emy ne révèle pas ses secrets, ses miracles demeurent plutôt inexpliqués – on en sait assez ainsi. Mais ce n’est en rien un tour d’esbroufe, car le film n’élude pas la brutalité du sujet, il porte un regard assez unique sur ses héroïnes et sur une communauté. Si le film est constamment surprenant, ce n’est pas parce que ses choix seraient arbitraires, mais parce que la cinéaste fait preuve d’énormément de personnalité. Voilà de toute évidence un talent à suivre.

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par Nicolas Bardot

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