La réalisatrice d’origine brésilienne Nara Normande signe avec Guaxuma un court métrage qui a fait le tour des festivals du monde entier, d’Annecy à Toronto en passant par SXSW et Clermont-Ferrand. Il a été couvert de prix et figure dans la présélection pour le César du meilleur court d’animation. Guaxuma raconte des souvenirs sentimentaux liés à une plage, au Brésil. C’est un film sensible et émouvant, à l’étonnante technique d’animation à base de sable. Vous pouvez découvrir Guaxuma en intégralité à l’issue de cet entretien. Nara Normande est notre invitée de ce Lundi Découverte.
Quel a été le point de départ de Guaxuma ?
La plage où j’ai passé mon enfance au nord-est du Brésil et qui donne son nom au film m’inspire beaucoup, j’avais déjà envie de faire un film sur cet endroit. Après la mort de mon amie Tayra dans un accident de scooter, cette idée a gagné plus de force et est devenue un scénario.
Le sable est un motif important dans l’animation de Guaxuma. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont vous avez abordé le traitement formel surprenant de cette histoire ?
Dans Guaxuma, j’ai choisi différentes techniques en sable pour raconter l’histoire : sable mouillé, sable sec sur plaque de verre rétroéclairée, sable coloré et des marionnettes faites avec du sable. Le film convoque mes souvenirs d’enfance, plonge dans ma mémoire et dans mes rêves – certains sont plus abstraits et sombres, d’autres plus réels, lumineux et vivants. C’est en mélangeant ces techniques que j’ai voulu faire naître des sentiments différents, toujours adaptés aux besoin de la séquence. Je crois que le sable et sa symbolique du temps qui passe ont aussi aidé à renforcer le côté nostalgique et à renforcer le lien entre la matière/technique et le récit.
Dans quelle mesure diriez-vous que l’animation, et la mise à distance qu’elle implique, a servi d’outil pour mettre en valeur l’intimité et la sensibilité du récit ?
Une fois, une amie m’a dit qu’elle n’était jamais émue devant les films d’animation et je ne comprenais pas pourquoi. Avec le temps je me suis rendu compte qu’on nous apprend à croire que l’animation s’éloigne du réel, que c’est que de la fantaisie, que ce n’est pas vrai. Je crois fermement le contraire. Quand on utilise une technique en cohérence avec le récit, l’animation aide justement à augmenter les émotions. Dans Guaxuma, les techniques étaient essentielles pour transmettre le niveau d’émotion que je voulais. Je pense aussi que travailler avec des techniques artisanales d’animation et l’assumer – laisser les empreintes de l’animateur.ice sur le sable, par exemple – aide à trouver l’humain derrière les images.
Quels sont vos réalisateurs favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?
Agnès Varda a expérimenté beaucoup de choses dans son cinéma, différents formats et genres qu’elle mêle pour créer un art unique. Cette liberté de passer d’une chose à l’autre m’inspire beaucoup. La réalisatrice argentine Lucrecia Martel nous immerge complètement dans l’atmosphère et l’univers de ses films et j’adore ça. Il y a aussi beaucoup de réalisateur.ices qui font du cinéma d’animation et qui m’ont inspirée pour Guaxuma, notamment la Tchèque Michaela Pavlatova et la Polonaise Aleksandra Korejwo.
Qu’est-ce que la réalisation de Guaxuma vous a appris sur vous-même ?
Guaxuma est mon troisième court-métrage et ce n’est qu’à la fin de sa production que je me suis rendu compte pour la première fois que je pouvais avoir confiance en moi en tant que réalisatrice. C’est plus difficile pour les réalisatrices d’avoir cette confiance, on apprend à se méfier toujours de nous-mêmes, à s’interroger sans cesse avant de commencer un film pour savoir si on est vraiment capable de le faire. Avoir confiance en moi c’est quelque chose de neuf et j’en suis ravie.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 22 janvier 2020. Un grand merci à Damien Megherbi. Crédit portrait
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