Ceux qui ont été surpris en début d’année de voir se glisser dans les nominations à l’Oscar du meilleur film international un documentaire venu de Macédoine du Nord n’avaient certainement pas encore eu la chance de voir Honeyland. Couronné à Sundance, ce documentaire consacré à une chasseuse d’abeilles est un film assez incroyable, qu’il s’agisse de sa beauté formelle comme de son sujet. Honeyland, qui figurait dans notre dossier des meilleurs films inédits de 2019, sort le 16 septembre en salles. Ses réalisateurs Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov sont nos invités…
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Quel a été le point de départ de Honeyland ?
Honeyland a été une aventure de 4 ans qui a commencé par la découverte primordiale des ruches qui se trouvent sur les falaises escarpées au bord de la rivière Bregalnica, en Macédoine centrale. Il se trouve que nous sommes venus dans cette région avec en tête l’idée de faire une recherche pour un court métrage documentaire sur la rivière Bregalnica. Mais découvrir les ruches et rencontrer par la même occasion Atidze a complètement changé notre motivation sur le type d’histoire que nous voulions raconter. Être témoin de l’incroyable force de cette femme qui contraste avec l’extrême pauvreté dans laquelle elle vit, ainsi que la profession si rare qu’elle exerce, ont été des motifs déterminants qui nous ont poussés dans cette direction et encouragés à tourner dans ces conditions difficiles pendant 4 ans.
Honeyland est visuellement superbe et spectaculaire. Comment avez-vous envisagé le traitement formel pour raconter cette histoire en particulier ?
Le style visuel dans les documentaires, en général, n’est pas tant dicté par les auteurs que par les protagonistes et les lieux filmés. En ce qui nous concerne, ce style était probablement comparable à celui des peintres néerlandais du 19e siècle qui devaient créer sans aucune lumière artificielle. Et alors qu’Atidze vit dans des conditions proches de celles de villageois du 19e siècle, la lumière dans son monde était aussi assez comparable. Sans électricité, et après avoir essayé en vain d’utiliser une lumière artificielle dans cette atmosphère complètement brute et naturelle, nous avons décidé d’oublier cette idée. Nous avons observé simplement la façon dont cette petite hutte est construite, avec une petite fenêtre carrée tournée vers sud-ouest qui donne une chaleur incroyable avec ses rayons dorés dans le froid, et cette ambiance sombre avec des murs brûlés autour du poêle à l’ancienne.
Nous avons pris la même décision pour les extérieurs grandioses où l’horizon est baigné d’une lumière naturelle dans toutes ses couleurs et toutes ses formes ; et utiliser une lumière artificielle était tout simplement inimaginable. On peut dire qu’on a été chanceux avec cette lumière divine et tout artiste visuel devrait apprendre à lui obéir, l’observer et la respecter avant d’avoir le cran de jouer avec et la contrôler. Parce qu’après tout, nous avons tous tendance à oublier que la lumière naturelle est la plus belle lumière qui soit.
Il y a quelque chose de bigger than life dans Honeyland, qu’il s’agisse des paysages comme de ce que ressentent les personnages. Et pourtant c’est une histoire simple et intimiste qui semble se dérouler dans un monde secret. Comment avez-vous abordé cet équilibre surprenant dans Honeyland ?
Un peu comme pour la lumière, cela nous est venu simplement dès lors que nous avons laissé nos protagonistes « prendre le contrôle du mouvement ». C’est-à-dire qu’en observant beaucoup la façon de vivre et le rythme d’Atidze, nous avons trouvé quels plans devaient être statiques et quand au contraire il fallait du mouvement ou une dynamique différente. Même chose avec la famille nomade qui a presque fait avoir une crise cardiaque à nos directeurs de la photographie, mais qui a permis un contraste intéressant avec l’univers d’Atidze.
Avez-vous de nouveaux projets ?
Même si le processus de Honeyland n’est pas complètement terminé, nous travaillons tous les deux sur deux projets distincts mais on continue de s’aider et nous prévoyons aussi de collaborer avec les autres membres de l’équipe de Honeyland.
Tamara : Je travaille actuellement sur mon premier film de fiction, Man v.s. Flock, qui est une histoire basée en Macédoine et son thème principal est la connexion, la déconnexion et la reconnexion avec ses racines. Je suis dans une phase de recherche de coproductions internationales pour ce film.
Ljubomir : Je suis en train de développer deux documentaires. Le premier concerne le processus de re-végétalisation d’une zone humide très importante mais dévastée dans le lac Prespa, et le deuxième est sur l’île des tortues gays en Macédoine du Nord.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 13 décembre 2019. Source portrait.
What was the starting point of Honeyland ?
Honeyland is 4 year adventure that started with the discovery of the primordially looking beehives on the steep canyon cliffs of river Bregalnica, central Macedonia. As a matter of fact, we came in this area with an assignment to make a research for a short documentary about the river Bregalnica. But discovering the beehives and therefor discovering Atidze completely changed our motivation about the type of story we want to make. Witnessing the rear and incredible life energy this woman possesses as a complete opposite of her extremely poor life conditions, also the so rare profession she has, was the strongest motive for us to keep thinking about the documentary in this direction and stay faithful to the 4 year shooting in extreme conditions.
Honeyland is visually beautiful and spectacular. How did you work on the visual style to tell this story in particular ?
The visual style in documentaries is very often not dictated by the authors but by the protagonists and locations. In our case, the visual style was dictated by the same forces that were probably dictating the visual style of the great Dutch painters of the 19th century who had no connection with artificial light whatsoever. Living in similar conditions like the villagers of the 19th century, the light in Atidze’s world was pretty similar too. With no electricity whatsoever, and after a couple of unsuccessful attempts to insert artificial light in a completely natural, raw ambient, we decided to forget about that idea and simply observe the way the little hut is built with one small square window turned to South-west, giving such incredible warmth and golden rays in the cold, dark ambient with walls burned from the old-fashioned wood stove.
Obviously it was the same decision for the grandiose exteriors where natural light was simply ruling the horizon with all its colors and shapes, where artificial light was simply unimaginable. At this point. we can say we were so lucky to be reminded that light is a God for itself and any visual artist should first learn how to obey it, observe it and respect it before having the guts to play with it and control it. Because after all, we all tend to forget that the natural light is the most beautiful light that our eyes could ever see.
There’s something bigger than life in Honeyland, in the landscape as in the feelings. Yet, it’s a simple intimate story in a place that looks like a secret world. How did you approach that surprising balance in Honeyland ?
As with the light, this also came naturally when we simply let our protagonists « take over the control of movement ». This means that as we did a lot of observation of Atidze’s way of life and rhythm of movement, we spontaneously found out which shots should (or can only) be static and where it requires movement and a different dynamics. The same happened with the family of nomads that almost caused a « heart attack » to our cameras and DOPs with almost all of their actions, but thanks to this they gave a very nice contrast to Atidze’s world.
Do you have any new project ?
Even though the process of Honeyland is still not finished, both of us are working on 2 separate projects as directors but we are still helping each other as a team and plan to collaborate with the other members of Honeyland too.
Tamara : I’m currently working on my debut fiction film Man v.s. Flock that is a story based in Macedonia and it’s main theme is connecting, disconnecting and re-connecting with the roots. I’m in a stage of looking for international co-productions for this film.
Ljubomir : I’m currently developing two documentaries. First is about a process of re-wilding a very important but devastated wetland in Lake Prespa, and second is about the island of gay turtles.
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