Le Festival Un état du monde fête ses 10 ans. Cette édition anniversaire débute ce vendredi 16 novembre et durera jusqu’au 25 novembre au Forum des Images, à Paris. La sélection d’Un état du monde est composée de films posant des questions politiques, sociales ou géopolitiques. Au programme : des avant-premières, un pays à l’honneur (l’Argentine), de nombreuses rencontres… Fabien Gaffez, directeur des programmes du Forum des Images et programmateur d’Un état du monde, nous présente le beau menu de cette édition.
C’est la comédie Tout ce qu’il me reste de la révolution de Judith Davis qui fait l’ouverture du festival. Pourquoi avoir choisi de mettre en avant ce film en particulier pour débuter cette édition ?
La première raison est très simple : c’est un bon film ! Un beau premier film qui prouve que l’on peut traiter de sujets forts avec humour. Judith Davis dresse le portrait pointu d’une génération perdue, désorientée, enfants d’une génération 68 pas toujours encline à la transmission. Le film a une manière très juste d’aménager le territoire des névroses contemporaines. C’était important pour nous d’ouvrir cette 10e édition avec un film vif, joyeux et, s’il lui arrive d’être inquiet, d’une inquiétude active ! Il symbolise bien notre philosophie. Un état du monde n’est pas un festival avec des films « à thèse » qui auraient des messages à nous faire passer. Mais des films qui, avec les moyens du cinéma, nous parlent du monde dans lequel on vit et, pourquoi pas, nous aident à y survivre !
L’Argentine est le pays à l’honneur cette année, avec une sélection de films et des invités. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
Chaque année, notre festival invite un pays, avec pour ambition d’opérer un état des lieux à la fois artistique et politique. Nous avons choisi l’Argentine parce que, comme d’autres pays d’Amérique latine, une nouvelle génération de cinéastes est née dans les années 2000, qui a permis d’impulser un vrai renouveau, dans des conditions économiques compliquées. Le pays traverse un nouveau moment difficile de son histoire, et il nous a semblé important de nous y arrêter. Et en liant différentes générations : Fernando Solanas, parrain de cette 10e édition, cinéaste engagé et homme politique actif, dialoguera ainsi avec de jeunes cinéastes. Nous dresserons même un portrait de l’Argentine plus léger, au fil de conversations autour de quelques icônes de la culture populaire, tels Borges ou Maradona.
Il y aura une avant-première par soir, avec des films extrêmement variés qui vont de Utoya, 22 juillet à Rojo. Quel état du monde dessinent-ils ?
Sans mauvais jeu de mots, on peut dire que le monde se trouve dans un drôle d’état. Encore une fois, le cinéma n’est pas le simple reflet de la société, mais un laboratoire d’actions envisageables et une transfiguration du quotidien. Cette sélection d’avant-premières ou de film inédits, qui va du premier film de Judith Davis au nouveau Paul Schrader Sur la route de la rédemption (qui ne sera malheureusement pas distribué en France), est un instantané citoyen plutôt qu’un selfie auteuriste. L’état du monde qu’ils dessinent soulève bien évidemment de lourdes inquiétudes, pour ne pas dire une angoisse terrible face aux dérèglements multiples de la planète. Néanmoins, ne serait-ce que par leur geste de cinéaste et la volonté d’en faire une œuvre, on sent aussi une croyance dans l’espèce humaine, une envie d’en découdre avec nos vieux démons, bien partagés à travers tous les pays représentés ici.
Qu’est-ce qui, à vos yeux, rend ce festival politique indispensable aujourd’hui ?
Tout citoyen, en 2019, doit trouver un moyen d’être utile, même si c’est être utile « à vivre et à rêver », pour citer Etienne Roda Gil. Les moyens propres d’un festival comme le nôtre, c’est encore de montrer les films et de susciter le débat, et de ne jamais baisser les bras. Nous ne sommes pas des donneurs de leçons (le poste est déjà en sureffectif), mais nous essayons de tirer les leçons que nous inspirent le cinéma et ceux qui le font.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf au cinéma, de découvrir un nouveau talent ?
Question très difficile ! Je vais peut-être vous surprendre, mais ce sont souvent les redécouvertes qui apportent un réel sentiment de nouveauté. Je crois vraiment que le temps présent de la redécouverte est aussi fort que la création contemporaine : revoir les films de Seijun Suzuki, de Jean Grémillon ou de Milos Forman aujourd’hui m’aide à croire encore au cinéma. Mais au présent, sans nostalgie du monde d’avant. Les films restent vivants et sont autant de contemporains capitaux.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 16 novembre 2018. Un grand merci à Diana-Odile Lestage.
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