Artiste plasticienne, la Canadienne Valerie Barnhart signe son premier court métrage avec Girl in the Hallway. Dévoilé au Festival du Film d’Animation d’Annecy, ce film d’animation bouleversant figure dans la compétition internationale de Clermont-Ferrand. Il raconte un fait divers, la disparition d’une fillette dont Jamie DeWolf, auteur de la voix-off du court, a été témoin. Girl in the Hallway est visible en intégralité à la fin de cet entretien. Valerie Banrhart est notre invitée.
Quel a été le point de départ Girl in the Hallway ?
Je suis une grande fan de poésie et je suis tombée sur une performance de spoken word par Jamie DeWolf sur Youtube. Après quelques recherches et vérifications au sujet du meurtre de Xiana Fairchild, j’ai contacté Jamie pour lui demander l’autorisation d’adapter sa performance et en faire un film. Après son autorisation, l’étape suivante a été de se demander comment animer ce film. Je me suis dit que j’apprendrais tout sur le tas. Apprendre au fur et à mesure est une méthode qui jusqu’ici a fonctionné avec moi.
Comment avez-vous finalement choisi ce style d’animation pour raconter cette histoire en particulier ?
Les quatre facteurs qui ont influencé ce choix ont été ma propre ignorance, le budget, ce que j’avais à disposition et l’expérimentation qui est inévitable quand on est en phase d’apprentissage. Comme cette technique d’animation nécessitait de détruire petit à petit chaque image que je faisais, cela m’a rendue plus détachée. Il est devenu plus facile de donner vie au film en livrant mes dessins à la mort. J’ai été impitoyable sur ce que je devais garder ou supprimer du film. Si ça ne servait pas l’histoire, ça disparaissait.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre usage de la voix-off qui est assez singulier sur ce film ?
C’est un enregistrement en live de la toute première fois où Jamie a fait cette performance. Les aveux de Jamie sont incroyablement intimes. J’ai senti qu’en disant ces mots pour la première fois, Jamie avait créé quelque chose de brut et imparfait. Et qui permet de se projeter. C’est très facile de voir le background de cette histoire et pourquoi il a, malheureusement, pris ces décisions. Il y a un peu de nous tous en Jamie. Le silence et l’inaction sont une forme passive de violence. Le mal devient banal lorsqu’il est toléré par ceux qui le rencontrent.
Dans le contexte plus large de ce crime en particulier, Jamie a regardé les statistiques de Missing and Murdered Indigenous Women, Girls, Trans and Two-Spirits, qui révèlent une véritable crise mais celle-ci ne génère que de l’inaction et du silence. En fin de compte, je pense que sélectionner sa première performance au lieu d’une performance plus peaufinée a servi le film au mieux. Même si l’utilisation de cet enregistrement spécifique a été ma décision la plus controversée pour ce projet.
Quels sont vos réalisateurs favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?
Les réalisateurs qui m’influencent le plus, sans ordre particulier, sont Guillermo Del Toro, Denis Villeneuve, Alfred Hitchcock, Boots Riley, Ari Aster et Alfonso Cuaron.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, quelque chose d’inédit à l’écran ?
Oh mon dieu ! Tous les jours ! J’adore apprendre de nouvelles choses. Je fais des recherches, ça me relaxe, alors je lis constamment. Je regarde un film à peu près tous les jours, vraiment de tout – des vieux films, des films que je revois, des nouveaux films, des bons, des mauvais. Je veux juste m’échapper dans un autre monde. J’ai appris tout ce que je sais à propos du cinéma en allant dans des festivals de ciné. Le Ottawa International Animation Festival (OIAF) m’a pour ainsi dire construite et éduquée. J’ai même fait ma fête de fin de tournage à l’OIAF, alors c’était vraiment très spécial pour moi d’y recevoir un prix cette année en présentant mon film.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 3 janvier 2020.
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