Envie de découvrir des talents neufs du côté du cinéma de genre ? Notre invité de ce Lundi Découverte est l’Allemand Tilman Singer. Le jeune cinéaste réalise avec Luz un film d’horreur qui a été remarqué de la Berlinale à l’Etrange Festival. Voulu par son réalisateur comme une séance d’hypnose, Luz raconte une nuit et un interrogatoire pas comme les autres dans un poste de police. Et derrière la reconstitution esthétique rétro se cache une voix vraiment singulière. Entretien avec un cinéaste à suivre.
Quel a été le point de départ de Luz ?
Luz faisait partie de ma thèse, dans mon école d’art à Cologne. J’ai tourné des courts métrages ainsi que des publicités avec la même équipe créative pendant des années, et j’ai eu naturellement envie de raconter une histoire plus longue. J’ai effectué des recherches sur les dessinateurs travaillant pour la police, mais aucune bonne histoire n’en a résulté (en tout cas, aucune bonne histoire que je puisse imaginer, moi). Durant ces recherches, je me suis questionné sur les techniques d’interrogatoires, et cela m’a amené à me renseigner sur l’hypnose et l’hypnothérapie. C’est de là qu’est née l’idée principale de Luz. C’était à la base une histoire de trente minutes qui s’est étendue à un long métrage à force de développer les personnages et les intrigues secondaires.
L’atmosphère visuelle de votre film est incroyable. Comment avez-vous abordé le travail esthétique sur Luz avec votre directeur de la photographie Paul Faltz ?
Merci beaucoup ! En plus du talent de Paul Faltz, qui est un très brillant directeur de la photographie et qui sait parfaitement comment raconter une histoire, nous avons pris le temps d’écrire une liste très détaillée de tous les plans du film. Nous sommes amis proches et travaillons très bien ensemble. J’avais déjà en tête pas mal d’idées visuelles lors de l’écriture, des idées que j’ai échangées avec Paul pour qu’on voie ensemble ce qui fonctionnerait le mieux narrativement. Nous nous autorisions à rater des choses pour mieux recommencer. Je me souviens par exemple que nous avons changé très tardivement notre approche en termes de lumière pour une longue scène, et nous avons dû tout repenser car la source lumineuse est devenue totalement différente. Il n’y a jamais de caméra à l’épaule dans le film, elle est toujours sur rails ou montée quelque part. C’est quelque chose qu’on n’a plus si souvent l’habitude de voir désormais. La caméra à l’épaule peut être un outil visuel très intense, mais elle a d’une certaine manière été très reprise dans le cadre de la révolution et libération numériques. D’ailleurs nous, nous tournions sur pellicule.
Une part tout aussi importante du concept visuel est le travail de Dario Méndez Acosta sur les décors. Je viens toujours auprès de Dario avant même l’écriture du premier jet pour que lui comme le noyau dur de l’équipe créative soient impliqués très tôt dans la production.
Vous avez déclaré que votre intention était d’hypnotiser le public – ce qui constitue un sacré défi. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet ?
C’était l’intention dès l’écriture du scénario. L’idée était de désorienter constamment le spectateur tout en présentant en permanence quelque chose à quoi se raccrocher. La désorientation dans Luz fonctionne à différents niveaux. La trame du récit est racontée de manière assez tordue, la perspective sonore change en permanence et bien souvent le public ne sait pas si ce qu’il voit est réel ou imaginaire. A travers ce sentiment de désorientation, j’espère que les gens atteignent une sorte de transe, comme lorsqu’on s’en remet entièrement à ses sens plus qu’à une lecture cérébrale de l’histoire.
Quels sont vos cinéastes favoris, ceux qui vous inspirent ?
Je n’ai pas de favori à proprement parler, mais je m’inspire de nombreux réalisateurs, de films, de livres, d’anime, de podcasts etc. En nommer seulement quelques uns créerait un faux-sens sur la manière dont je suis inspiré.
Quel est le dernier film où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf ou de découvrir un nouveau talent ?
J’ai vu récemment Les Funérailles des roses de Toshio Matsumoto et Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper sur DCP au cinéma. Ces deux films m’ont fait sentir comme si je n’avais jamais été au cinéma avant. Ce sont bien sûr deux vieux films mais je ne regarde pas tant de films contemporains que ça. En tant que réalisateur, j’ai le sentiment que c’est d’une certaine manière mon job de chercher l’inspiration hors du consensus contemporain, si cela signifie quelque chose. Je fais ça depuis quelques années maintenant et j’ai développé comme un dégoût pour l’aspect « normal » des films modernes. Je ne sais pas ce qui est venu en premier : mon goût pour les plus anciens films ou le fait que je réalise l’importance d’en tirer mon inspiration. Je pense que cela s’est développé simultanément. Mais bien sûr, je vois toujours de grands films contemporains de temps à autres !
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 15 novembre 2018.
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