Sélectionné cette semaine à L’Étrange Festival, Hitte est réalisé par la Néerlandaise Thessa Meijer. Déjà remarquée avec son singulier court The Walking Fish, Meijer signe ici un séduisant ovni. Lors d’une vague de chaleur, une jeune femme se réfugie chez un glacier. Quelque part entre l’esthétique d’un clip kawaï et une certaine body horror, le résultat est particulièrement surprenant. Thessa Meijer est notre invitée.
Quel a été le point de départ de Hitte ?
L’été dernier, nous avons connu une vague de chaleur extrême aux Pays-Bas. J’ai voulu faire quelque chose avec cela, et j’ai eu l’idée d’un changement climatique qui ferait fondre les gens. Mes idées viennent souvent d’une image et se développent ensuite, mais dans ce cas, ce n’est pas allé beaucoup plus loin. Cela a pris un peu de temps parce que le sujet est complexe. Quand j’ai été chargée par la plateforme néerlandaise Cineville de créer ma « scène de rêve », l’idée de ces gens qui fondent a resurgi. Maintenant que la pression d’un scénario long et sérieux avait disparu, je pouvais penser beaucoup plus librement. Le changement climatique est passé un peu à l’arrière-plan, comme c’est malheureusement souvent le cas, et tout à coup cela a laissé de la place pour la romance douce-amère.
Les couleurs dans Hitte sont frappantes et charmantes. Comment avez-vous abordé ce remarquable traitement formel ?
Tout d’abord merci ! Le style visuel a été une collaboration entre moi, ma décoratrice Floor Knaapen, ma costumière Babette Tielrooij et mon directeur de la photographie Boas van Milligen Bielke. Nous voulions que le film soit visuellement pop et à croquer, mais nous nous sommes assurés que les couleurs vives étaient équilibrées par des tons plus profonds comme le brun et le vert foncé. Les effets spéciaux sont une combinaison de CGI et d’effets plus traditionnels. Nous avons utilisé autant que possible le huis clos, de sorte que le public puisse établir un lien sensoriel avec les images.
Hitte est à la fois super-mignon et assez glauque. Comment avez-vous équilibré ces différentes tonalités ?
Puisque le scénario est déjà assez grossier et effrayant (tout comme la conception sonore et les effets), nous avons contrasté cela avec un style visuel façon barbe à papa. L’acteur jouant le vendeur de glace, Daniel Kolf, a été étonnant dans sa façon d’exprimer le caractère inquiétant et charmant de son personnage, tandis que Famke Louise ajoute une touche originale et mignonne. La bande originale d’Ella van der Woude se compose de synthétiseurs à la fois enfantins et oniriques, mais l’arrangement suggère que quelque chose ne va pas.
Votre film est sélectionné en France au Très Court Festival. Dans quelle mesure diriez-vous que la concision de Hitte ajoute à l’étrangeté de son atmosphère ?
Le film est trop court pour expliquer ce qui se passe exactement, et c’est ce qui le rend ambigu. La durée peut brouiller l’esprit du public et le laisser avec plusieurs possibilités quant à ce qu’ils viennent d’avaler.
Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?
J’adore beaucoup de réalisateurs et le premier qui me vient à l’esprit au moment où je vous parle, c’est Yorgos Lanthimos. Mais dans mon travail, je suis avant tout inspirée par des photographes tels que Alessandra Sanguinetti, Petra Collins, Alex Prager et Gregory Crewdson. J’adore aussi tirer mon inspiration des horreurs réelles de la nature et de la science, ainsi que des changements liés au corps humain et en particulier au corps féminin.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, quelque chose d’inédit à l’écran ?
Comme les cinémas sont fermés et que je passe tellement de temps à la maison en raison de COVID-19, je me suis soudainement mise à m’intéresser à la décoration intérieure. Cette semaine, j’étais obsédée par une horloge en papier rouge corail et extrêmement mignonne réalisée par le designer néerlandais Ivan Kasner. Je suis aussi récemment tombée amoureuse du travail de l’artiste néerlandaise Afra Eisma. Vous pouvez regarder un guide à travers sa dernière exposition Feline Whispers sur Youtube.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 30 mai 2020. Un grand merci à Ophélie Surelle.
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