Notre invité de Lundi Découverte est le Japonais Takayuki Fukata, en compétition cette semaine au Festival Entrevues Belfort avec son premier long métrage Forgotten Planets. Ce film élégant et délicat fait le portrait des solitudes de deux femmes vivant dans l’étrange no man’s land d’un port à Yokohama. Nous avons rencontré son réalisateur, prometteur et francophile…
Quel a été le point de départ de Forgotten Planets ?
Avant de faire ce film, il m’est arrivé à plusieurs reprises de n’avoir aucune idée sur mon futur, sur comment vivre dans le futur. Le film a sans aucun doute été affecté par cette situation personnelle. D’autre part, je me suis toujours intéressé aux visages des femmes, et plus particulièrement aux visages tristes. Je suppose que cette tristesse a quelque chose à voir avec l’identité. Je pense que ce sont là les points de départ du film.
La façon dont vous filmez les lieux, la ville, est remarquable. Dans quelle mesure diriez-vous que ce quartier de Yokohama vous a inspiré pour faire votre film ?
C’est exactement ça, les lieux ont été très importants dans mon processus créatif. J’ai été très inspiré par l’endroit où l’on a tourné, à Hommoku, qui est l’un des ports de Yokohama. C’est un quartier qui a autrefois été réquisitionné par l’armée américaine après la Seconde Guerre Mondiale. Mais il est presque impossible d’y déceler une trace de la guerre. Comme si tout cela avait été oublié par tout le monde. La ville s’est ensuite développée, un développement qui s’est stoppé net. Il règne donc une atmosphère particulière à Hommoku, désertique et tranquille, et à vrai dire un peu bizarre. Lors de l’écriture du scénario, j’ai marché encore et encore dans Hommoku. J’ai le sentiment d’avoir créé mon film en marchant dans la ville.
Comment avez-vous travaillé sur la mise en scène de cette histoire avec votre directeur de la photographie ?
Au départ, nous avions décidé d’utiliser des plans fixes pour la première partie, et une camera plus mobile, à l’épaule, pour la dernière. Par ailleurs, on a été particulièrement attentifs au positionnement des acteurs, à leurs relations avec chaque personnage – et comment cela affecte leurs émotions. Il était essentiel d’avoir une foi totale en chaque acteur.
Pouvez-vous nous dire quelques mots du Movie Theater Floating on The Sea que vous avez co-fondé ?
Le Movie Theater Floating on The Sea est un festival de films indépendants que nous organisons une fois par an. Le cinéma en question est en fait un cargo amarré à Yokohama. Ce projet permet de redécouvrir l’expérience de la projection et du visionnage de films en public.
Quels sont vos réalisateurs favoris et / ou ceux qui vous inspirent ?
J’adore particulièrement Jacques Rivette, Éric Rohmer, Victor Erice et Edward Yang. Au Japon, j’aime beaucoup Nobuhiro Suwa, Shinji Aoyama, Mikio Naruse et d’autres. C’est une question difficile pour moi car il y a tant de réalisateurs dans le monde qui m’inspirent. Mais honnêtement, je me sens très influence par les réalisateurs français.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf au cinéma, de découvrir un nouveau talent ?
Le dernier film que j’ai vu est M de Joseph Losey. Mais pour parler de nouveaux talents, j’ai l’impression que Damien Manivel correspond tout à fait à votre question. Son film Le Parc est extraordinaire. J’aime aussi beaucoup Guillaume Brac. Mais je n’ai pas encore vu son nouveau film…
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 15 novembre 2018. Un grand merci à Catherine Giraud.
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