Entretien avec Pom Bunsermvicha

On avait déjà pu remarquer Pom Bunsermvicha avec son beau court métrage Lemongrass Girl ; The Nature of Dogs confirme ses grandes qualités. Le film, qui raconte les vacances d’une famille thaïlandaise, débute comme une chronique familiale assez triviale, avant de prendre une dimension spirituelle en un envoûtant basculement. Mais existe t-il vraiment une bascule dans ce monde où le réel et le mystique cohabitent ? La mise en scène élégante et pudique de Bunsermvicha fait merveille dans cette parenthèse poétique. The Nature of Dogs était à l’honneur au Festival de Locarno et figure dans notre dossier des meilleurs courts de cette édition. Pom Bunsermvicha est notre invité.e de ce Lundi Découverte.


Quel a été le point de départ de The Nature of Dogs ?

J’ai fait un voyage avec ma famille dans un hôtel en bord de mer avec notre petit chien, un Loulou de Poméranie qui avait 1 an à l’époque. Nous avons visité un temple et une grotte à proximité de l’hôtel. Cette expérience a inspiré le scénario que j’ai co-écrit avec mon amie Nicha Ratana-Apiromyakij, pour examiner la dynamique familiale thaïlandaise, la tension et l’intimité dans les relations. Nous avons également réfléchi à plusieurs autres thèmes plus larges, tels que le patriarcat, la nature contre l’ordre, la loyauté contre la perte de la foi, le passé et les traumatismes, et comment tout ce qui précède, bien que pas facilement visible, existe dans les espaces que nous partageons.



Comment avez-vous trouvé l’équilibre idéal entre les aspects banals du film et sa dimension plus mystique ?

C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Cela dépend vraiment de la façon dont on définit quelque chose comme banal et mystique. On m’a dit que j’étais un.e enfant de la nature, donc d’une certaine manière, j’ai toujours trouvé que ce que nous définissons habituellement comme des aspects banals de nos vies était assez mystique, et ce que nous définissons habituellement comme mystique me semble vrai. En réalisant ce film, j’ai beaucoup réfléchi au potentiel de l’espace, à la façon dont l’espace nous limite, nous définit et pourrait potentiellement nous transformer, en tant qu’êtres humains, ainsi qu’à notre relation les uns avec les autres.



Au cours de votre film, un basculement s’opère lors de la scène de la grotte. Comment avez-vous abordé ce moment en particulier ?

Dans la culture thaïlandaise, les grottes sont fortement associées à l’idée d’un abri. La grotte du temple dans notre film était un abri anti-tempête pour les pêcheurs. Les grottes sont des chambres, des chambres de prière, des utérus et une forme de subconscient. C’est aussi un lieu de projections, d’imagination humaine, et aussi de notre réflexion intérieure. Dans l’obscurité, notre esprit peut vagabonder plus profondément en lui-même avec la liberté.

Quand j’ai commencé à écrire ce film, j’étais à un moment de ma vie où mon père et moi ne nous parlions plus. Je voulais parler de mon propre passé et de mes traumatismes, pour tenter de comprendre les lacunes de notre relation. « Y a-t-il une chose que je ne vois pas chez mon père ? », j’ai demandé à ma mère. « Sa tendresse », m’a t-elle répondu. Pour moi, faire ce film a été un moyen d’avoir un dialogue avec mon père.

La grotte, d’une certaine manière, est le reflet de cette intention et de ce processus, par lequel chaque couche de notre identité, en tant que père, en tant que fille, en tant qu’homme, en tant que femme, se dissout dans cette obscurité. Là où on ne voit plus, j’ai songé à ce que l’on pouvait trouver.



Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

C’est une autre question difficile, bien qu’Abbas Kiarostami soit la première réponse qui me vienne à l’esprit.



Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent à l’écran ?

J’ai toujours le désir de voir quelque chose de nouveau. La dernière fois que j’ai eu ce sentiment, c’était, bien sûr, au Festival du film de Locarno.


Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 27 août 2024.

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