Les chanceux qui l’ont vue sur scène à New York seront probablement d’accord : Pixie Aventura est l’un des êtres humains les plus drôles du système solaire. Cette drag queen latine est une performer hors normes qui, comme elle nous l’explique, puise son inspiration chez Lucille Ball comme chez Bugs Bunny. Elle est notre invitée spéciale pour ce mois des fiertés où des drag queens du monde entier viennent nous parler de leur rapport au 7e art…
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Le cinéma est-il une source d’inspiration de votre drag ? Des icônes vous ont-elles servi de référence ?
Absolument, à vrai dire le cinéma et la télévision m’ont intégralement inspirée comme artiste, ainsi que pour nourrir ma drag persona. Essayons de replacer les inspirations par ordre chronologique : la première a probablement été Lucille Ball. Cela se passe d’explication vu que c’est le clown ultime. Son timing comique et sa façon d’utiliser le corps comme un outil humoristique m’ont divertie durant toute mon enfance. Je regardais à peine des dessins animés parce qu’en la matière, Lucille Ball était largement suffisante.
En parlant de dessins animés, l’une de mes idoles était Bugs Bunny. Oui, vous avez bien entendu – mais pourquoi pas ? Bugs Bunny a été ma première exposition au drag et à la fluidité du genre.
Et puis il y a mes deux divas de la scène : Ann Miller et Chita Rivera. Ann Miller avait ce talent incroyable de raconter toute une histoire à travers des mouvements de danse – et puis ces jambes !!!! Sa prestation que je préfère est sur Too Darn Hot dans Embrasse moi, chérie, l’adaptation cinématographique de la comédie musicale Kiss Me, Kate. Quant à Chita, je suis tout le temps en train de rechercher ses performances sur Youtube. Je serais incapable de dire combien d’heures j’ai passées à regarder des vidéos de Chita, en général je les regarde en boucle. C’est mon idole et j’admire du plus profond de mon cœur son talent et ce qu’elle représente en tant que femme latine.
Ma diva hollywoodienne est Sophia Loren. Sa beauté, sa grâce, son culot et son talent ont inspiré la personnalité de Pixie. Je pense qu’en général elle constitue un bon exemple pour illustrer pourquoi les hommes gay adorent les artistes féminines et puissantes.
Je pense aussi à Robin Williams, ce bon vieux tonton zinzin, l’incarnation du génie comique qui a toujours été capable d’équilibrer son humour avec des touches plus dramatiques.
Et pour finir, je citerais mes deux chanteurs légendaires : Whitney Houston et Freddie Mercury. Leur maîtrise de la mise en scène est une chose à laquelle j’aspire. J’ai toujours dit que la musique de Whitney serait encore jouée dans les clubs dans 50 ans et qu’elle ferait toujours danser et chanter tout le monde. Et c’est très vrai aussi pour Freddie Mercury. Son impact sur le monde, son statut de dieu… Et c’est tellement génial de voir des culs bénis chanter ses chansons !
Si vous aviez carte blanche, quel acteur ou quelle actrice de cinéma souhaiteriez-vous relooker en drag queen?
J’en ai déjà fait pas mal moi-même en tant que Selena Quintanilla, Freddie Mercury ou même le personnage de Chi-Chi Rodriguez lors d’une performance avec John Leguizamo (qui joue Chi-Chi Rodriguez dans To Wong Foo, Thanks for Everything ! Julie Newmar, traduit en français par Extravagances, ndlr). Ça c’était un moment que je n’oublierais jamais, surtout parce qu’il m’a dit que je devrais jouer son rôle à Broadway si jamais le show se montait. Mais je crois que mon plus grand rêve, ce serait de me produire en Chita Rivera aux côtés de Chita Rivera. Je me chierais dessus d’excitation et de trac.
Y a t-il un film dans lequel vous auriez rêvé de jouer en drag ?
Oh gurl, ça c’est pas facile comme question. J’utilise beaucoup d’extraits de films dans mes shows car ils m’inspirent énormément. Mais pour répondre à votre question je dirais le rôle de Mary Sanderson dans Hocus Pocus (joué par Kathy Najimy, ndlr). Franchement, qui n’aimerait jouer son rôle à elle ?!
Mais j’adorerais aussi être la première Latina à jouer Mama Rose dans une nouvelle version de Gypsy. C’est mon rôle féminin préféré dans une comédie musicale et le fait qu’aucune actrice de couleur n’ait jamais joué Mama Rose est juste DINGUE ! J’en ai besoin maintenant.
Nous célébrons cette année les 50 ans de Stonewall. En quoi votre drag est-il politique à vos yeux ?
Mon drag a évolué au fil des années. Avant c’était simplement une manière de m’exprimer de façon alternative, et c’est devenu une véritable plateforme me permettant de représenter ma communauté queer et latine. Il y a des stigmates rattachés au fait d’être latin ou d’appartenir à une minorité dans ce pays – sans même parler d’être gay ou d’être une drag queen. Dans les médias généralistes, il n’y a pratiquement aucune représentation à la fois gay et latine. Quand je demande aux gens le nom de 5 célébrités gay et latines, généralement le seul nom qui ressort c’est Ricky Martin. Même dans les médias latins, on reste dans les stéréotypes et les tabous. Je veux montrer au monde, et plus particulièrement aux jeunes gay, qu’on peut trouver le succès en étant un individu LGBTQ latin et fier.
Avoir une plateforme tous les soirs me donne l’opportunité de faire entendre ma voix, de rappeler aux gens qu’il est important de se battre pour leurs droits, de s’impliquer dans le débat politique et dans tout type de protestations. On a avancé mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Le message le plus important que je transmets, je pense, c’est de traiter chaque membre de notre communauté avec compassion. On ne peut pas demander l’égalité si nous perpétuons les préjugés dans notre propre groupe.
Quel est votre film queer préféré ?
Child, une autre question difficile. Honnêtement je suis une mordue de cinéma. J’ai recherché et vu tellement de films. Je vais faire une liste de mes favoris car j’ai l’impression que certains films étrangers sont peut-être moins connus. Ces films vont de la comédie aux thrillers, de la comédie musicale aux biopics. La liste est longue mais je vous garantis qu’il y en a certains que vous ne connaissez pas, alors allons-y !
Summer Storm de Marco Kreuzpaintner
Beauty de Oliver Hermanus (l’un des films les plus troublants que j’ai vus, avec un récit qui semble si authentique)
Alex Strangelove de Craig Johnson
Un compagnon de longue date de Norman René (certainement l’un de mes préférés)
Les Garçons de la bande de William Friedkin (le premier film gay dont le drame dépasse le film lui-même)
St. Junipero dans Black Mirror (je sais que c’est une série mais c’est l’une des plus belles histoires qui soient)
Week-end d’Andrew Haigh
L’Anniversaire de David de Marco Filiberti
Philadelphia de Jonathan Demme
Paris is Burning de Jennie Livingston
Call me by Your Name de Luca Guadagnino
Cruising de William Friedkin
Bent de Sean Mathias
To Wong Foo, Thank You for Everything ! Julie Newmar de Beeban Kidron
Milk de Gus Van Sant
La Mauvaise education de Pedro Almodovar
Seule la terre de Francis Lee
The Birdcage de Mike Nichols
Mrs. Doubtfire de Chris Columbus (le message sur le monde rempli de différents types de familles a toujours fonctionné sur moi, et le film montre un couple gay avec la nonchalance qu’il faut)
Shortbus de John Cameron Mitchell
Set it off de F. Gary Gray
Camp de Todd Graff
The Favourite de Yorgos Lanthimos
The Danish Girl de Tom Hooper
Boys Don’t Cry de Kimberly Peirce
Angels in America de Mike Nichols
Yossi and Jagger de Eytan Fox
Transamerica de Duncan Tucker
The Bubble de Eytan Fox
XXY de Lucia Puenzo
Le Baiser de la femme-araignée de Hector Babenco
La Couleur pourpre de Steven Spielberg
Contracorriente de Javier Fuentes-León
Boy Erased de Joel Edgerton
Au premier regard de Daniel Ribeiro
Quand on a 17 ans d’André Téchiné
1985 de Yen Tan (celui-ci est sorti récemment, il a été produit par mon ami Cory Michael Smith qui joue également dedans et je l’ai adoré)
Hedwig and the Angry Inch de John Cameron Mitchell
Priscilla, folle du désert de Stephan Elliott
Gods and Monsters de Bill Condon
Viva de Paddy Breathnach (oserais-je dire que c’est mon film gay favori, l’interprétation et l’histoire sont superbes. C’est l’un des quelques films que j’aie conseillé à mes parents et il les a fait pleurer)
L.I.E. de Michael Cuesta
Y tu Mama Tambien de Alfonso Cuaron
Beira-Mar de Filipe Matzembacher, Marcio Reolon
Et pour finir je citerais Queer as Folk et Sense 8. Je sais que ce sont des séries mais Queer as Folk me parle encore aujourd’hui – je l’ai regardée intégralement à trois reprises. Et puis Sense 8 est un show en avance sur son temps et totalement sous-estimé. La façon dont il parle d’unité et de la manière dont laquelle les gens sont connectés entre eux est en totale adéquation avec le message de la Pride.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 4 juin 2019.
Le compte Instagram de Pixie Aventura
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