Dévoilé et primé l’an passé à Rotterdam, I Comete a effectué depuis un brillant parcours en festivals. On a pu découvrir son réalisateur, Pascal Tagnati, en tant qu’acteur chez Lucie Borleteau (Fidelio, l’odyssée d’Alice) ou Antonin Peretjatko (La Loi de la jungle). Dans son premier long métrage, divers personnages se retrouvent, durant les vacances d’été, en Corse. Le film sort rapidement de la carte postale et installe une étrange tension… Magnétique et mystérieux, I Comete (qui sort le 20 avril en salles) révèle une personnalité de cinéaste. Pascal Tagnati est notre invité.
Quel a été le point de départ de I Comete ?
C’était la nécessité de retranscrire, de déplacer et de mettre en scène un monde qui m’a façonné. Le village l’été est un condensé de la société corse. Tous les Corses se retrouvent dans leur village d’origine (ou adoptif) – ceux de la diaspora, ceux qui vivent à la ville et ceux qui y sont restés, quels que soient leurs milieux sociaux. Les amitiés de toujours, les vieilles inimitiés et les familles se côtoient au quotidien et partagent cette parenthèse dans l’année. L’été au village est un terrain d’observation, d’échange et de jeu considérable.
La plupart des scènes de I Comete sont filmées à distance, pourtant on a le sentiment d’être au plus près des personnages. Comment avez-vous abordé la mise en scène de votre film ?
Si vous avez le sentiment d’être au plus près des personnages, c’est grâce à la qualité de mes acteurs et de mes techniciens avant tout. Mon intention était, d’une part, de donner un seul point d’observation sur les scènes. Je voulais que le regard du spectateur soit comme celui d’un passant qui s’arrêterait devant une situation qui lui est étrangère. Puis, pour donner les pleins pouvoirs aux acteurs. C’est eux et eux seuls qui rythment et dynamisent les séquences, ils ne sont pas soutenus par un découpage ou un mouvement de caméra. Alors oui, peut-être que ce dispositif renforce davantage le sentiment de proximité avec les personnages, puisque presque rien ne vient perturber la relation entre les acteurs et le regard.
I Comete donne l’impression de débuter comme une carte postale ensoleillée, mais le film se resserre de plus en plus sur une brutalité claustrophobe et un enfermement insulaire. Comment avez-vous abordé l’écriture de votre film et en particulier sa progression de vignette en vignette ?
L’écriture est née des dialogues. De ces figures qui étaient en moi. Il fallait qu’elles s’expriment ou qu’elles se manifestent d’une façon ou d’une autre. Au fil de l’écriture, des conversations entre les personnages, des liens se sont créés puis des situations et enfin des passifs. Il fallait que je comprenne les trajectoires de chacun de mes personnages et d’où ils viennent. J’ai écrit une genèse. Celle-ci relatait l’histoire de ce même village 25 ans plus tôt. C’est à ce moment que les personnages ont trouvé leur identité puis leur autonomie. I Comete est au final un instantané de cette communauté aujourd’hui. Elle ne surjoue pas ses enjeux.
L’agencement des séquences suit principalement la progression d’un été. Toutes les séquences sont d’une importance équivalente. Elles apportent chacune une couleur, une facette de la communauté et dialoguent entre elles. Comme dans une fresque, le moindre détail en arrière-plan a son importance. Il est vrai que plus le film avance, plus il s’assèche, les dialogues sont empreints d’une certaine urgence, les orages d’août sévissent. C’est la fin de l’été. Néanmoins, les événements que l’on peut considérer comme dramatiques ne sont pas spécifiques à un enfermement insulaire, ni une finalité. Peut être une fatalité. C’est la comédie humaine, les mouvements d’une communauté. Le temps passe, l’usure fait son œuvre et la vie continue.
Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?
Inconsciemment des œuvres doivent certainement me guider, mais je ne m’inspire pas du cinéma ou des cinéastes. J’aime jouer, écrire et réaliser, j’y consacre toute mon énergie. Pour autant, sorti de l’expérimentation et de la fabrication, je ne suis pas cinéphile. Je pourrais vivre sans regarder de films. J’ai toutefois un attachement particulier pour les films de Stanley Kubrick, Peter Jackson, Jean Eustache et Christopher Nolan.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, quelque chose d’inédit à l’écran ?
Quelque chose d’inédit à l’écran, La Vie ou la pluie de Lavinie Boffy. Un nouveau talent, Roselyne De Nobili qui joue le rôle de Lucienne (la grand-mère de François-Régis) dans I Comete.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 4 février 2021. Un grand merci à Barbara Van Lombeek.
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