
Bury Us in a Lone Desert raconte l’histoire surprenante d’un cambrioleur qui tombe sur une femme statufiée dans un appartement. L’époux de celle-ci va lui proposer un marché singulier. Dévoilé récemment au Festival de Rotterdam, ce court film visuellement généreux invite la fantaisie dans son drame sur le deuil. Bury Us in a Lone Desert inscrit Nguyễn Lê Hoàng Phúc dans la liste contemporaine de plus en plus fournie de jeunes talents du cinéma d’auteur vietnamien. Le cinéaste est notre invité.
Quel a été le point de départ de Bury Us in a Lone Desert ?
En 2009, je suis tombé sur un article de presse intitulé L’homme qui dormait avec le cadavre de sa femme à propos d’un homme à Quang Nam, au Vietnam, qui effectivement dormait à côté d’une statue en plâtre grandeur nature de sa défunte épouse. L’image était bizarre et troublante, évoquant un malaise non seulement chez moi, mais dans la société en général. Pourtant, l’histoire est restée gravée dans mon esprit. Plus d’une décennie plus tard, un article ultérieur montrait le même homme, maintenant en fauteuil roulant, toujours dévoué à sa femme en plâtre, parlant d’elle avec un amour non diminué. Cette fois, j’ai été ému. Sous l’étrangeté, j’ai vu la possibilité d’une histoire d’amour extraordinaire, une histoire qui défie les tabous et défie les jugements. L’amour pourrait-il durer au-delà de la mort, au-delà des normes, au-delà de la raison ? À travers le cinéma, j’espérais explorer et affirmer ma propre réponse.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le format d’image que vous avez choisi, et son évolution à travers le film ?
Je me suis inspiré du cadre rond utilisé dans des films comme Lucifer (2014) de Gust Van den Berghe et I Am Not Madame Bovary (2016) de Feng Xiaogang. Ce cadre unique m’a fasciné et j’ai voulu l’expérimenter dans Bury Us in a Lone Desert. Au début, nous avons l’impression de regarder à travers un trou, d’assister à un acte secret ou même criminel. Au fur et à mesure que le film progresse, le cercle se déplace, adoucissant les bords durs d’un carré ou d’un rectangle et embrasse progressivement les personnages, créant un sentiment d’intimité. Le cadrage circulaire, vu à travers l’écran rectangulaire, ajoute également un élément surréaliste, presque fantastique, à l’histoire, renforçant son excentricité.

Votre utilisation des couleurs (et en particulier du bleu) est très expressive et frappante, comment avez-vous abordé le style visuel de votre film et votre utilisation des couleurs ?
Pour moi, Bury Us in a Lone Desert est doux-amer et mélancolique, mais mon objectif était de le remplir d’amour et d’espoir. Ce contraste m’a amené à rendre le style visuel vibrant et coloré. Même dans le désert rigoureux, la beauté et l’espoir persistent, comme le ciel bleu et l’étang. J’ai remarqué que de nombreux films utilisent un étalonnage froid et désaturé, ce que je considère comme une tendance pessimiste, alors j’ai cherché à m’éloigner de cela et à ramener de la chaleur et de la couleur. Ma mère, peintre, a influencé mon sens de la composition et je pense que je l’ai hérité d’elle. Merci, maman !

Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
J’ai toujours cette liste prête, même si elle n’a aucun sens pour quelqu’un d’autre. Mes cinéastes préférés vont du plus humain au plus chaotique : des sensations fortes, chacun m’inspirant de différentes manières. Yasujiro Ozu, pour ses tendres réflexions sur la beauté éphémère et l’humanité de la vie ; Andreï Tarkovski, pour sa capacité à élever le cinéma à un niveau spirituel éclairé ; et Quentin Tarantino, pour sa passion ardente et son amour pour le cinéma, qui ont suscité mon propre désir de faire des films en premier lieu.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent à l’écran ?
La dernière fois que j’ai ressenti cette envie de découvrir de nouveaux talents, c’était lorsque j’ai rencontré les 3 acteurs principaux de mon prochain film The Premiere (Buổi Công Chiếu), qui raconte l’histoire d’un cinéaste confronté au cauchemar que personne ne se présente à la première de son film. J’ai rencontré chacun d’entre eux séparément et leurs capacités m’ont époustouflé et m’ont inspiré pour écrire le scénario. J’ai hâte de donner vie à cette vision avec ces acteurs talentueux et de la partager avec le monde.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 16 mars 2025. Un grand merci à Xueyin Li.
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