Mois des Fiertés | Entretien avec Lewis Raclette

Hep hep hep, vous avez cru que notre dossier Mois des Fiertés était achevé ? C’était sans compter notre invité bonus – et pas des moindres : Lewis Raclette. Ce vieux garçonnet a sa façon bien à lui de questionner les masculinités et les barrières du genre sur scène. Lewis Raclette est une créature de cartoon qui s’inspire autant de Dale Cooper que de Mr Bean, soit un mélange assez unique au monde. Nous l’adorons et il est notre invité dans le cadre de notre focus spécial…


Le cinéma est-il une source d’inspiration de ton drag ?

Absolument, une grande part de mon drag trouve son origine dans le côté cartoonesque par son attitude et son rapport à la musique. Mon personnage est un garçon (et un vieillard en même temps), à la fois perdu, mais qui veut bien faire, une masculinité douce la plupart du temps. Esthétiquement j’aime les couleurs vives, les jeux de contrastes, plusieurs œuvres me viennent à l’esprit. Casino Royale (la version de 1967), Yellow Submarine (le dessin animé avec les Beatles de George Dunning), The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson pour le côté visuel, les couleurs, le côté cartoon, l’imaginaire, les décors.

Pour les personnages / masculinités, mes références sont en premier lieu Mr Bean (origines britanniques obligent), égérie du mec qui fait au mieux mais qui est toujours à côté de la plaque. Un gamin de 9 ans complètement chaotique mais pas méchant au fond, et surtout avec des expressions faciales/physiques et un comique de situation inoubliables. Dans la catégorie « mec paumé à côté de la plaque un peu niais » je pointe du doigt l’Inspecteur Clouseau des films La Panthère Rose de Blake Edwards. A regarder avec précaution, certaines blagues ont mal vieilli. Et sinon en termes de masculinité douce, bienveillante, être humain de confiance et de stabilité (et un poil niais sur les bords), l’Agent Dale Cooper de la série Twin Peaks de David Lynch (et également de son superbe film Fire Walk with Me). Et sinon évidemment, pour leur alliance entre visuels et musique, les comédies musicales Phantom of the Paradise de Brian de Palma, Labyrinth avec David Bowie, et évidemment le Rocky Horror Picture Show de Jim Sharman (vive le mélange des genres!). Également, petite référence nostalgique, le dessin animé Fantasia qui a notamment été une introduction pour moi du rapport entre la sensibilité de la mise en scène et le son / la musique.

Si tu avais carte blanche, quelle actrice/acteur de cinéma souhaiterais-tu relooker en drag king ?

Je pense à trois personnes. En premier Ncuti Gatwa, car sa performance dans Sex Education est tellement agréable à voir, j’aime sa vision de la masculinité, et je voudrais le voir la développer davantage, avec encore plus de maquillage et de tenues fabuleuses. En deuxième, Cate Blanchett, sa prestance et son regard attisent ma curiosité sur ce qu’elle pourrait dégager à l’occasion d’une performance de la masculinité. J’ai également l’acteurice non binaire Lachlan Watson en tête, que j’ai découvert.e dans la série Sabrina, et que je redécouvre sur les réseaux sociaux. Étant moi même non-binaire, je suis extrêmement intéressé par le point de vue qu’iel aurait sur la masculinité / la non binarité masculine, dans un univers créé par iel-même.

Y a t-il un film dans lequel tu aurais rêvé de jouer en drag ?

OUI dans une version parodique de Twin Peaks, où je serais l’agent Dale Cooper, personnage bienheureux, le gars sympa qui ne fait de mal à personne, mais qui aurait toujours de fausses pistes. Ce film n’existe pas, à bon entendeur.

En quoi ton drag est-il politique à tes yeux ?

C’est en premier lieu un terrain d’expression de représentation des masculinités. Que ce soit pour en présenter de nouvelles qui n’existent pas, qui tiennent au contraire de la masculinité hégémonique, ou que ce soit pour dénoncer. C’est également un moment personnel où je me réapproprie mon corps non binaire. Je désapprends ce qui m’a été inculqué dans le cercle familial, amical, scolaire, professionnel, intime hétéro patriarcal (tremblez !), et je prend un espace d’expression qui ne m’est pas habituellement donné en tant que personne AFAB (assigné femme à la naissance). Même si en tant que blanc valide, je suis privilégié et j’ai conscience que je peux accéder à davantage espaces d’expressions bien évidemment.

Quel est ton film queer préféré ?

Le Rocky Horror Picture Show !! La découverte du mélange des genres, fuck le genre, on met tout ça dans n’importe quel ordre, et on voit ce que ça donne (et au pire on profite de Tim Curry en corset porte-jarretelles). Sur une note plus douce, deux films majeurs pour moi : Carol de Todd Haynes, un des premiers films lesbiens que j’ai pu voir, pas filmé pour des hétéros (sans hypersexualisation, avec une véritable relation, dépendant d’aucun homme, et la découverte du monde lesbien pour le personnage principal). Et puis énorme coup de cœur évidemment pour Billy Elliot de Stephen Daldry, un film qui casse les barrières du genre, et qui a beaucoup résonné en moi étant gamin. Le film met en scène un petit garçon qui veut faire de la danse classique malgré les injonctions de son père à ce qu’il fasse de la boxe (dans mon cas je voulais conduire des motos et pas m’acheter des robes, haha). Mon prénom d’être humain en dehors du drag fait notamment référence au nom de famille du garçon, un petit clin d’œil car casser les barrières du genre c’est mon activité favorite.

Entretien réalisé le 23 juillet 2020 par Nicolas Bardot. Crédit photos : Marilou Mckenzie / Ambroise / La Mousse / Jean Ranobrac.

Le compte Instagram de Lewis Raclette

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