
Figure majeure de l’animation mondiale, la Coréenne Joung Yumi se distingue par ses films aussi simples qu’énigmatiques, aussi épurés que vertigineux, tels que House of Existence, The Waves et Circle. Elle présente en compétition à la Semaine de la Critique l’un des chefs d’œuvre de ce Festival de Cannes : le court d’animation Glasses. Dans ce film, une jeune femme se rend chez son opticien après avoir cassé ses lunettes. Lors de l’examen de vue, elle voit une maison et s’y retrouve transportée. Minimaliste et détaillé, habité par un magnétique sentiment d’inquiétude, Glasses est d’un bouleversant surréalisme. Comment se plonger en soi, et comment se consoler ? La réalisatrice apporte une réponse éminemment poétique dans ce bijou.
Quel a été le point de départ de Glasses ?
J’ai toujours trouvé amusante la maison au toit rouge qu’on peut voir dans le tableau du test de vision. Beaucoup de gens qui ont passé un examen de la vue se souviennent probablement d’avoir vu cette petite maison dans un champs. J’ai depuis longtemps voulu créer une histoire qui pénètre dans ce souvenir familier. Les lunettes symbolisent une manière de voir le monde. Je voulais raconter une histoire sur la façon dont ma propre perspective continue de changer et de devenir plus libre.

Vos courts métrages sont très épurés et minimalistes, et ils parviennent pourtant à explorer des émotions très profondes. Pouvez-vous nous parler de votre approche minimaliste et de ce qu’elle vous permet de traiter ?
Plutôt qu’avec des mots, j’imagine des histoires à travers des images. Une seule image devient souvent le point de départ de mon processus, et je suis habituée à construire une histoire comme une pièce de théâtre à partir de cette seule image. Je pense que le minimalisme de mes récit découle naturellement de cette approche.

La maison dans Glasses est comme un espace mental, et rappelle le rôle de la maison dans votre court métrage House of Existence. Qu’est-ce que le motif de la maison représente pour vous dans vos films ?
La maison est une métaphore importante de soi-même. Comme mes histoires se concentrent sur l’expression métaphorique de mondes intérieurs, la maison devient le cadre le plus adapté pour mes récits et leur déroulement. Et personnellement, je suis aussi plutôt casanière.

Dans Glasses, il y a quelque chose de surréaliste qui appartient à une forme de fantaisie, mais votre film touche aussi à l’intimité profonde et à la vérité de votre héroïne. Pouvez-vous nous parler de votre relation avec le surréalisme en tant qu’outil narratif ?
A mon sens, le monde extérieur est finalement perçu comme une projection de l’ego en soi. Le monde est comme un miroir de l’esprit, reflétant notre état émotionnel et mental. Ainsi, dans mes films, je ne me contente pas de dépeindre des événements – j’essaie de façonner des sentiments intérieurs en scènes à la fois concrètes et métaphoriques.

Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
J’aime Ingmar Bergman. Même sans toujours comprendre le sens de ses œuvres, je découvre une inspiration nouvelle chaque fois que je les regarde.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 20 mai 2025. Un grand merci à Kim Kihyun.
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