Du 9 au 20 octobre aura lieu la 16e édition du Festival Court Métrange, dédié au court métrage insolite et fantastique à Rennes. Sa très riche programmation promet de nombreuses découvertes. Parmi celles-ci, l’envoûtant Imbued Life de la Croate Ivana Bosnjak et du Gallois Thomas Johnson. Ce très beau film en stop-motion raconte la relation entre une taxidermiste et les forces de la nature. Ils sont nos invités de ce Lundi Découverte…
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Quel a été le point de départ de Imbued Life ?
Il y a quelques années, nous sommes allés au Festival d’animation Animateka à Ljubljana, en Slovénie, où nous avons découvert plusieurs pièces de taxidermie dans un marché aux puces. Nous sommes retournés chez nous à Zagreb avec une martre de pin qui s’est retrouvée assise sur notre étagère pendant plusieurs mois avant qu’elle ne soit envoyée au père de Thomas comme cadeau. Pendant la période où cet animal mort et préservé est resté dans notre maison, Ivana a été très énervée par sa présence, ce qui a suscité des questions sur la vie et l’éthique de la taxidermie. Cela nous a inspirés pour réaliser un film dans lequel notre protagoniste cherche un lien plus profond avec la nature.
Pourquoi avoir choisi cette technique d’animation pour raconter cette histoire en particulier ?
Pour nous, la technique de l’animation de marionnettes en stop-motion était appropriée pour raconter cette histoire. Elle donne une couche supplémentaire au concept du film, qui joue avec l’idée de vie et de mort. En tant qu’animateurs, nous donnons vie à nos marionnettes. La jeune fille dans le récit du film travaille avec la mort, mais remet en question la vie ou la conscience de la nature autour d’elle. Une marionnette est un véritable objet physique et à travers le processus d’animation, elle devient une étrange forme de vie.
Dans quelle mesure diriez-vous que l’économie de dialogues est une manière de mettre en valeur l’aspect onirique de votre film ?
Nous avons décidé d’inclure la scène dialoguée dans le film comme un contrepoids à l’introspection surréaliste de notre protagoniste. Le dialogue est une interruption de son monde, mais c’est aussi un rappel de la réalité superficielle du personnage masculin. Nous voulions que le naturalisme du dialogue accentue l’étrange, et aussi contraste avec le mutisme de la jeune fille et son parcours émotionnel. Inévitablement, il y a quelque chose d’étrange dans un personnage qui se tait. La voix de notre protagoniste n’est entendue qu’à la fin du film, là où nous avons voulu dépeindre le moment où elle se libère de sa lutte interne.
Quels sont vos cinéastes favoris et/ou les réalisateurs qui vous inspirent ?
Nos plus grandes inspirations viennent de nos amis et collègues du monde de l’animation, en particulier de nos amis proches de Croatie avec qui nous avons passé les dix dernières années à développer nos talents et à partager des idées. Du monde de l’animation, parmi nos réalisateurs préférés, il y aurait Jan Svankmajer et les frères Quay. Ils sont des maîtres de l’animation de marionnettes et nous pensons que leurs récits non traditionnels ont ouvert des directions créatives alternatives dans la réalisation de films utilisant des marionnettes. Peut-être qu’esthétiquement, nous devons plus davantage aux films en « prises de vue réelles ». Parmi nos favoris, on compte les œuvres d’Andrei Tarkovski, David Lynch et Krzysztof Kieslowski.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?
Nous avons la chance d’être entourés par de merveilleux talents émergents dans le domaine de l’animation et nous visitons les festivals de cinéma aussi souvent que nous sommes en mesure de le faire. Nous pensons qu’il est important, en tant que réalisateurs, d’être conscients des nouveaux talents et de l’énergie que leurs films peuvent apporter. Les nouveaux talents peuvent souvent nous aider à trouver la motivation pour faire nos propres films futurs. Nous aimons tous les deux particulièrement les festivals qui comprennent une combinaison d’animation, de films expérimentaux et de films plus classiques en prises de vue réelles, parce que ces autres formes peuvent apporter quelque chose de nouveau à notre créativité.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 5 octobre 2019. Source portrait / Source portrait. Un grand merci à Géraldine Cance. Retrouvez toutes les infos sur le Festival Court Métrange sur le site officiel.
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