Pour clore notre dossier spécial Mois des Fiertés, il nous a semblé naturel de donner la parole à une jeune queen. Nous avons découvert Islaya lors d’une scène ouverte, en début d’année, au Stonewall Inn à New York. Elle y faisait preuve d’un charisme et d’un talent qui crèvent les yeux. Sur son Instagram, Islaya performe du Maya Angelou, du Langston Hughes ou rend hommage à Whitney chantant l’hymne national – autant de voix noires que Islaya transmet par son art.
Le cinéma est-il une source d’inspiration de votre drag ? Des icônes vous ont-elles servi de référence ?
Le cinéma, et en particulier le cinéma noir, a énormément inspiré l’humour qui constitue mon drag. Des films comme Un prince à New York de John Landis, Friday de F. Gary Gray et La Couleur pourpre de Steven Spielberg passaient tout le temps quand j’étais petit. Ces films et bien d’autres mettaient l’accent sur les expériences traversées par des gens comme moi, c’est ce qui m’a intéressé en tant que spectateur. Par conséquent j’ai pris beaucoup de notes concernant les acteurs, leur façon de jouer, la manière dont ils préparaient et lançaient leurs vannes. Sans ces références spécifiques au cinéma noir, Islaya ne serait pas la même queen.
Si vous aviez carte blanche, quel acteur ou quelle actrice de cinéma souhaiteriez-vous relooker en drag queen ?
J’adorerais relooker quelqu’un comme Billy Porter en drag. Il sait déjà comment donner du drama, il se glisserait là-dedans à merveille. Je sais que le voir performer quelque chose comme ce qu’il a pu faire dans Kinky Boots serait tout simplement délicieux.
Y a-t-il un film dans lequel vous auriez rêvé de jouer en drag ?
J’adorerais jouer Belize dans Angels in America. Ce rôle parle à tellement de garçons queer et noirs parce que ça a été l’une des premières fois où nous nous sommes vus à l’écran de manière respectueuse et humaine. En drag, j’adorerais jouer un rôle classique comme Blanche dans Un tramway nommé désir ou même quelque chose de shakespearien. J’ai une formation d’acteur avec beaucoup d’expérience sur des textes classiques, et faire cela en drag serait excitant. Jouer en tant que drag queen est de toute façon l’un des buts de ma carrière. J’ai fait une série de performances intitulée Slay Days que vous pouvez voir sur mon Instagram, où je joue un monologue de Titus Andronicus de Shakespeare, je dis de la poésie et plus encore.
En quoi votre drag est-il politique à vos yeux ?
Le drag est un acte de rébellion, par conséquent je pense que tout.e artiste drag est politique par sa simple participation. Le drag met en lumière le genre comme une construction sociale et combat l’idée selon laquelle nous devons nous exprimer d’une manière qui soit conforme aux organes génitaux avec lesquels nous sommes né.e.s. Le drag reconnaît également qu’il y a bien plus d’identités de genre que « homme » et « femme » à travers la fluidité de genre de nombreuses et nombreux artistes. Faire du drag appelle à être politique, que ce geste soit intentionnel ou non.
Mon drag est également politique dans ma façon d’exprimer mon expérience de personne noire. Être une drag queen noire, ça signifie qu’on va souvent performer pour beaucoup de gens qui ne nous ressemblent pas ou qui ne pensent pas comme nous, et que beaucoup de gens ne seront pas familiers avec les références que nous allons utiliser. Beaucoup de queens noires vont délibérément performer seulement de la pop ou des choses qu’on leur demande de faire, ce qui constitue à la fois une limite et une oppression. Personnellement, je performe tout ce qui me parle, et ce sont souvent des références noires car je suis une drag queen noire qui s’inspire de son expérience de personne noire pour raconter sur scène des histoires authentiques et noires. C’est triste que ce soit un acte politique pour les personnes noires d’être honnêtes avec elles-mêmes et avec leur culture, mais c’est le monde dans lequel nous vivons, et nous devons continuer à nous battre pour que cette réalité ne dure pas pour toujours.
Quel est votre film queer préféré ?
Mon film queer préféré est probablement Noah’s Ark: Jumping the Broom de Patrik-Ian Polk. C’est un film avec un casting entièrement noir, qui raconte des histoires de personnes noires et queer, et je l’adore ! Si vous n’avez jamais vu ce film ou la série Noah’s Ark, je vous recommande chaudement de regarder celui-ci. La série qui a inspiré le film était en avance sur son temps et les problèmes qu’elle traite sont toujours d’actualité pour les hommes noirs et queer.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 9 juillet 2020. Crédit photos : Jax Koyote.
| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |