Berlinale 2019 | Entretien avec Hao Zhou

Hao Zhou, né en 1992, était à l’honneur lors de cette Berlinale avec The Night, qui raconte l’errance nocturne d’un jeune homme chinois dans des ruelles interlopes. Resté inédit chez nous, ce film qui parle de sexe, d’homosexualité, de prostitution et autres tabous figurait dans la grande rétro Panorama 40. Le réalisateur est notre invité de ce Lundi Découverte.

Dans le catalogue de la Berlinale, votre film est comparé aux œuvres de Wong Kar Wai, Jean Genet et Rainer Werner Fassbinder. Quel rapport entretenez-vous à ces cinéastes ?

J’aime beaucoup ces réalisateurs. D’une certain manière ils m’ont servi d’inspiration pour faire The Night. Particulièrement Wong Kar Wai qui est un de mes réalisateurs préférés. Donc oui je pense que ces cinéastes ont eu un impact sur moi.

Du titre au comportement des personnages, tout dans The Night est lié à ce qui est secret et caché. Qu’est-ce qui vous a mené jusqu’à ce thème ?

Les tabous, les choses qui sont gardées secrètes et cachées… ce sont des thèmes que j’aime explorer parce qu’ils mènent vers un autre monde. Un monde différent, loin de ce qu’on voit habituellement. J’aime en savoir plus à ce sujet et rendre cela visible pour le public.

The Night mêle des éléments très romantiques (l’utilisation de vieilles chansons pop, les personnages aux noms de fleurs) et une description assez crue de la sexualité. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce surprenant équilibre ?

Je pense que cela reflète la manière d’être de tout un chacun. Une personne peut être romantique, mais ça ne veut pas dire qu’elle ne peut pas exprimer une envie brute de sexe. Selon l’environnement, l’humeur, les envies, la situation, les gens peuvent réagir de façons très différentes. Ce que vous devez savoir également c’est qu’en Chine, ces noms de fleurs que j’ai choisis sont liés à des noms de prostitués. L’ironie, c’est que ces vieilles chansons romantiques que j’ai mises dans le film sont toutes dédiées à ces mêmes fleurs. Mélanger cela, c’est ce qui m’intéressait. C’était une façon de montrer simplement la complexité de l’être humain.

The Night est votre premier film mais il est déjà assez maîtrisé. Comment avez-vous abordé la mise en scène de votre long métrage ?

Haha ! Merci mais j’ai encore beaucoup à apprendre. Comme je vous l’ai dit, Wong Kar Wai est une de mes muses. J’adore le style et l’atmosphère qu’il parvient à créer dans ses films. Quand je suis passé dans la ruelle qu’on voit dans le film, il y a quelque chose qui m’a attiré. Ca m’a immédiatement évoqué un lieu de cinéma qui collerait au film que je voulais faire. D’abord j’aime beaucoup cet aspect de ville ancienne. La couleur des lumières, la manière dont les lumières rendent cette ruelle encore plus vivante. Tous les effets sont naturels. En fait si vous vous rendez dans cette ruelle, ce sera comme si vous étiez dans le film. Tout est filmé caméra à l’épaule, nous n’avions pas de trépied. J’ai fait cela car je voulais me sentir libre, comme des yeux qui observent l’action. Nos yeux ne fixent pas un détail pendant cinq secondes, ils se posent ici ou là, vers ce qui attire l’attention. Je voulais aussi rendre le film plus réaliste et permettre au public de s’impliquer plus facilement.

En tant que jeune réalisateur indépendant, comment vous situez-vous ainsi que votre film dans le cinéma contemporain chinois et par rapport aux films qui sont distribués en Chine ?

A vrai dire, comme c’est un film qui parle de prostitution, de sexe et d’homosexualité… Ca va être difficile de pouvoir le sortir dans les cinémas chinois. Vu que ces sujets souvent tabous me sont chers et que ce sont souvent ceux qui sont bannis en Chine, je me demande si un de mes films sortira un jour ! (rires)

Nicolas Bardot

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