A Man and a Camera est l’un des films les plus inclassables et provocants vus depuis longtemps. Sélectionné à Rotterdam après sa première mondiale à CPH:DOX, le Néerlandais Guido Hendrikx rend visite à des inconnus, se présente devant leur porte sans leur parler mais en pointant sa caméra sur eux. Le résultat est un drôle de coup de tonnerre qui nous a donné envie de rencontrer son réalisateur.
Quel a été le point de départ de A Man and a Camera ? Qu’est-ce qui vous a inspiré cette idée à la fois folle et fascinante ?
Ça a commencé spontanément. Il y a près de dix ans, j’ai décidé de filmer des passants au hasard dans la rue en Belgique, dans un silence perpétuel, et j’étais à la recherche d’une aventure. Lorsque j’ai revisité le matériau de nombreuses années plus tard, j’ai lentement commencé à conceptualiser cette idée en une expérience cinématographique à la fois améliorée et restreinte.
Enfant, nous parcourions toujours les rues de notre quartier pendant l’hiver, jetant des boules de neige contre les fenêtres des gens. Mon frère était le seul enfant qui ne voulait pas s’enfuir après l’acte, comme s’il attendait en face des maisons jusqu’à ce que quelqu’un en sorte, et qu’il se retrouve face à face avec la personne qui y vit. Rétrospectivement, et de manière inconsciente, cela a peut-être fonctionné comme une source d’inspiration, car c’est un souvenir d’enfance qui m’a beaucoup marqué.
Quelle a été la réaction la plus surprenante à laquelle vous avez assisté pendant le tournage ?
Celle d’un des résidents qui m’ouvre d’abord sa grande porte avant d’être tout à coup très agressif à mon égard, et qu’on peut voir dans le film. Le jeune garçon qui passe son temps à rire, de manière assez réservée. Et la famille turco-néerlandaise qui décide de me montrer leur petit-fils sourd, cela m’a beaucoup surpris.
Comment avez-vous sélectionné les images à conserver et celles à supprimer ? Quelles étaient les limites (s’il y en avait) de ce que vous vous êtes permis de montrer dans votre film ?
Je ne pouvais utiliser que des images liées aux règles strictes que je me suis fixées. L’une d’elles était que la rencontre devait être dénuée de toute communication et qu’elle devait avoir lieu dans des environnements ordinaires où « rien ne semble se produire ». Lors du montage, nous avons finalement juste essayé d’écouter attentivement ce que le matériel avait à nous offrir.
A Man and a Camera semble parfois faire un clin d’œil au genre horrifique (à travers le thème du home invasion, ou par le langage cinématographique du found footage). Est-ce quelque chose que vous vouliez délibérément explorer ?
J’étais conscient de l’étrange tension qui existait dans les rencontres, et dans laquelle je voulais puiser. Par ailleurs, j’avais diverses raisons de placer les rencontres à la porte des domiciles au lieu de la rue, mais je ne peux pas dire que tout cela constituait un clin d’œil au genre de l’horreur.
Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
Michael Haneke, Jorgen Leth, Stanley Kubrick, Ulrich Seidl, Lars von Trier, Carlos Reygadas, Thierry Knauff, Chantal Akerman, Raymond Depardon, Pirjo Honkasalo, Peter Watkins, Viktor van der Valk, Alain Resnais, Ena Sendijarevic, Chris Marker, Werner Herzog (la première partie de sa filmographie).
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, quelque chose d’inédit à l’écran ?
Lorsque j’ai vu Wild Blue de Thierry Knauff.
Entretien réalisé par Gregory Coutaut le 5 mai 2021. Un grand merci à Mirjam Wiekenkamp.
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