Festival de Clermont-Ferrand | Entretien avec Flóra Anna Buda

Couronné par la Palme d’or du court métrage à Cannes et le Grand Prix à Annecy, 27 de la Hongroise Flóra Anna Buda a pour héroïne Anna, une jeune femme dont la vie quotidienne est étouffante. Par son art de la mise en scène, de la narration et du montage, la cinéaste installe un climat déconcernant et hallucinatoire dans ce film visuellement rayonnant. Flóra Anna Buda nous en dit davantage sur cette perle rare, en compétition cette semaine au Festival de Clermont-Ferrand.


Quel a été le point de départ de 27 ?

Au tout début, je jouais avec l’idée de réaliser un film pour adultes. Je m’intéressais à la façon dont je pouvais apporter une histoire, une sensibilité sociale et un développement des personnages particuliers dans le porno. Le reste est venu plus tard. J’ai commencé à écrire le film et certains des événements de ma propre vie l’ont intégré et finalement ce n’était plus un film porno. Je dois donc dire qu’à la fin, j’ai échoué dans mon entreprise initiale, mais je suis heureuse que cela se soit passé de cette façon.



27 semble souvent adopter la structure d’un rêve. Est-ce que c’est quelque chose que vous aviez en tête lors de la préparation de l’histoire ?

J’ai toujours été intéressée par la recherche de la logique dans les rêves parce que c’est la structure narrative la plus proche de ma façon naturelle de penser. En général, les structures narratives complexes sont juste plus stimulantes pour moi, j’aime leur espièglerie et je voulais créer quelque chose qui invite le public à jouer.



Pouvez-vous nous parler de votre utilisation très forte du rouge, du rose et du orange ?

Les couleurs en général me viennent très naturellement et intuitivement, j’ai très peu de compréhension consciente de la façon dont je les utilise. La plupart du temps, je suis mes sentiments instinctifs et si je me sens bien, je les garde ainsi. Je dirais que si j’essaie de donner un sens, ces couleurs sont aussi sensuelles qu’excitantes, peut-être même un peu étranges et vives. J’ai l’impression qu’elles mettent l’accent sur l’intense énergie sexuelle refoulée et la frustration du personnage principal que je voulais faire rayonner à travers ce film.



Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

La liste est interminable, mais chaque fois que j’ai besoin d’inspiration, je revois des films des années 1920. Ceux qui montrent différentes villes, dirigés par Jean Vigo, Fritz Lang, Dziga Vertov ou Eisenstein. Je suis une grande fan de ceux-ci, en particulier Dziga Vertov parce que vous pouvez sentir le ludisme et la fraîcheur dans l’utilisation d’un médium qui était à l’époque relativement nouveau. C’est cette énergie fraîche et ludique que je souhaitais capturer dans mon travail aussi.

Mais pour mentionner quelqu’un qui crée dans le cinéma contemporain, je dirais Kelly Reichardt. J’ai eu la chance de voir son dernier film et deux de ses courts métrages présentés par elle-même au Centre Pompidou le mois dernier. Après la projection, je suis rentrée chez moi vraiment inspirée et je me suis sentie vue par ses films à un niveau personnel. La façon dont elle capture les émotions minuscules et la dynamique entre ses personnages avec ce niveau de subtilité et d’humour est quelque chose que j’aimerais réaliser à l’avenir.



Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent à l’écran ?

Quand j’étais plus jeune, je mangeais des films dès le petit-déjeuner, mais après, quand je me suis impliquée dans la réalisation, il est devenu plus difficile pour moi de regarder des films. Je n’ai pas toujours la capacité d’attention pour me concentrer. Mais maintenant que j’ai terminé la production de 27, je vais au cinéma plus souvent et j’ai réalisé que je pouvais encore profiter des films, ce qui est un sentiment rafraîchissant. Soudainement, je me suis sentie très excité d’arriver à Cannes et de découvrir autant de nouveaux talents que possible.



Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 8 mai 2023. Un grand merci à Luce Grosjean. Crédit portrait : Camille McOuat.

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