Entretien avec Cynthia Calvi

Le court métrage documentaire Gigi de la Française Cynthia Calvi, présenté il y a quelques semaines en compétition au Festival d’Annecy, est désormais visible sur la plateforme d’Arte. Ce témoignage sensible et attachant fait le portrait d’une femme trans, dont la voix et les expériences sont au cœur du film. La réalisatrice nous en dit davantage sur son film.


Quel a été le point de départ de Gigi ?

J’ai découvert les documentaires animés lors d’une coréalisation avec un étudiant d’école documentaire pendant mes études à l’EMCA. J’ai adoré mettre en image le témoignage audio de Philippe, un facteur à la retraite. Dès mon diplôme en poche, j’ai eu l’envie de réitérer cette expérience en me basant sur le témoignage d’une femme inspirante. J’ai très vite pensé à mon amie d’enfance Gigi, étant admirative de sa détermination aussi bien dans sa vie personnelle que professionnelle. Qu’importe les difficultés, elle a toujours fait aboutir ses projets avec courage et abnégation. En 2017, nous avons mis un micro entre nous et j’ai capturé sa voix pour transmettre au plus grand nombre son histoire.



La voix et le témoignage de Gigi sont au centre de votre film. Comment avez-vous abordé cet aspect du court métrage : est-ce qu’il y avait quelque chose d’écrit, était-ce une simple discussion, quelle a été l’implication de Gigi ?

Lorsque j’ai donné rendez vous à Gigi à Menton, notre ville natale, je lui ai demandé si elle serait d’accord de partager son histoire pour un projet d’animation. Elle a tout de suite été très enthousiaste à l’idée de “devenir un personnage animé” et contente que sa parole soit portée par mes dessins. Au début, il n’y avait absolument rien d’écrit. J’ai laissé tourner le micro pendant nos conversations. En quelques interviews j’ai réuni 16 heures d’enregistrements. C’est ensuite en faisant la résidence d’écriture de Saint Quirin et avec l’aide de précieux regards extérieurs que la structure de l’interview s’est révélée. Gigi a suivi toutes les étapes et validé chaque étape.



Comment avez-vous envisagé la mise en images du récit de Gigi ; en quoi l’animation était un moyen pour vous d’incarner et mettre en valeur cette histoire ?

Gigi est une femme pour qui la réalité du corps n’a jamais été sa réalité profonde. Dans la vie de tous les jours, cette dissonance entre son moi profond et l’image qu’elle renvoie est invisible pour un observateur extérieur. L’animation permet donc de révéler son point de vue interne, de mettre en image ce qu’elle a ressenti. Tout en protégeant son anonymat, elle me permet aussi de mettre en valeur la Gigi solaire que je connais et que j’ai envie de présenter au public.



Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

J’adore la mise en scène de Wong Kar-wai, sa lumière, son rythme et sa musique. Je suis aussi charmée par les couleurs et l’humour des films de Wes Anderson, et touchée par la douceur des images et des idées de Jean-François Laguionie.



Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent à l’écran ?

Lorsque que j’ai découvert le travail des Daniels, d’abord via Swiss Army Man, puis grâce au succès grandement mérité de Everything Everywhere All at Once. Je suis impressionnée par la capacité de ce duo de réalisateurs à mêler un humour complètement décalé à une mise en scène sensible qui met en valeur la bienveillance et la douceur de ses personnages.



Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 15 juin 2024. Un grand merci à Luce Grosjean.

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