Festival de Rotterdam | Entretien avec Chheangkea

Sélectionné coup sur coup à Sundance et à Rotterdam, Grandma Nai Who Played Favorites est une farce malicieuse et tendre, mettant en scène une mamie fantôme qui râle sur tout le monde sauf son petit-fils gay. Le court métrage du Cambodgien Chheangkea s’avère visuellement chatoyant aussi bien parmi les temples colorés que sous les néons d’un karaoké. Le cinéaste nous en dit davantage sur cette belle découverte de ce début d’année.


Quel a été le point de départ de Grandma Nai Who Played Favorites ?

En grandissant, j’étais le chouchou de ma grand-mère – elle me protégeait toujours des moqueries de mes cousins plus âgés. Quand je l’ai perdue à sept ans, elle est devenue la figure que je priais, quelqu’un qui veillait sur moi et me soutenait dans les moments difficiles. Et un jour, j’ai imaginé qu’elle me regardait vraiment. Ce moment a déclenché la création du personnage de Grand-mère Nai.



Les couleurs sont saisissantes et spectaculaires dans votre film, pouvez-vous nous en dire plus sur votre approche visuelle et plus précisément sur votre utilisation expressive des couleurs ?

De nombreuses tombes au Cambodge sont construites dans des pagodes aux couleurs vibrantes. Elles sont de grande taille et toujours colorées. Pendant le festival de Qingming, les familles visitent ces tombes avec des offrandes telles que des billets funéraires, des maisons en papier élaborées et de superbes pièces de porcs rôtis magnifiquement rouges. Situer le film pendant cette célébration signifiait entrer dans un monde visuel intrinsèquement riche, et mon travail consistait alors à affiner la palette de couleurs pour compléter nos lieux existants.

Nous avons trouvé une belle tombe rose pour Grand-mère Nai, alors je voulais qu’elle soit elle-même en rose pour se fondre parfaitement dans son environnement. Ce choix est devenu la base de toutes les décisions de couleur qui ont suivi. C’était tellement spécial pour moi de construire cette histoire de fantômes avec tant de couleurs et de joie.



Grandma… raconte une histoire sur un lien familial fort, mais le twist est que le lien familial le plus fort peut être entre un fantôme et son petit-fils queer. Aviez-vous une envie particulière de représenter la famille, mais d’une manière différente ?

L’amour familial est souvent compliqué pour les personnes queer. Un film sur l’amour inconditionnel entre une figure maternelle et son fils cambodgien gay ne me semblerait pas tout à fait honnête, car en réalité, cet amour est teinté de nuances. Dans cette histoire, ce n’est que dans la mort que Grand-mère Nai peut exprimer son amour pour son petit-fils sans hésitation. Pour moi, cet amour ne devient possible que parce que le poids des attentes et la pression d’être en vie ont été enlevés.



Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

Pedro Almodovar. Lee Chang-dong. Barry Jenkins. Edward Yang. Celine Sciamma.



Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent à l’écran ?

Le dernier film qui m’a vraiment stupéfié ces dernières années était Tár. Sa précision et sa réalisation méticuleuse reflètent un niveau de confiance rare, quelque chose que j’admire profondément et que je m’efforce d’atteindre. Todd Field n’a pas seulement construit un monde magnifique et envoûtant, il a également réussi à me tenir fermement dans son voyage émotionnel et psychologique. Une fois que CETTE fin s’est déroulée, j’ai su que le film resterait avec moi pendant très, très longtemps.



Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 10 février. Un grand merci à Flavio Armone.

| Suivez Le Polyester sur BlueskyFacebook et Instagram ! |

Partagez cet article