Festival de Cannes | Entretien avec Carmen Leroi

Sélectionné en compétition courts métrages à la Semaine de la Critique, Donne batterie raconte l’histoire d’une jeune femme qui souhaite se débarrasser de la batterie de son ex. De ce point de départ à la fois simple et banal découlent des questions de morale et un véritable sac de nœuds. La Française Carmen Leroi signe une comédie attachante qui se situe quelque part dans la galaxie d’Éric Rohmer. La réalisatrice est notre invitée.


Quel a été le point de départ de Donne batterie ?

J’ai donné un objet sur Leboncoin et me suis retrouvée à me poser de nombreuses questions, des questions qui m’ont amusée et que je trouvais intéressantes en ce qu’elles permettaient en quelque sorte de mettre en pratique des interrogations morales ou philosophiques, par exemple : faut-il attendre une récompense (et même une récompense qu’on se donne à soi-même) d’une bonne action ? Quand Lila dit « je veux vraiment faire un heureux en donnant », j’entends à la fois qu’elle s’apprête à faire un geste généreux, mais j’entends aussi « je veux », j’entends qu’elle tire quelque chose de ce geste. Et ça m’amuse de lui faire se prendre un peu les pieds dans le tapis. 



Dans votre film, une action a priori simple devient un sac de nœuds complètement absurde. Est-ce que c’est cette absurdité du quotidien qui a constitué pour vous un moteur de comédie dans Donne batterie ?

Si la situation du film est absurde, je trouve de nombreuses situations de la vie absurdes, parfois bien plus. J’observe souvent des personnes qui se font des noeuds à partir de pas grand chose, et j’en fais partie moi-même. Donc je ne sais pas si cela me semble absurde ou réaliste, mais en effet de tirer les fils de cette situation de don sur Leboncoin à leur paroxysme, et de les faire incarner par des personnages très entiers, hauts en couleur, cela participe à la comédie.  



Il y a quelque chose qui est à la fois charmant et potentiellement crispant dans votre personnage principal, qui lui donne un relief particulier et qui m’a évoqué ce que pouvait faire Rohmer avec certaines de ses héroïnes. Etait-ce l’une de vos inspirations ; pouvez-vous nous parler de vos inspirations en général ?

Quand j’ai fait ce don sur Leboncoin, je donnais en même temps un atelier à des étudiants autour des Quatre aventures de Reinette et Mirabelle de Rohmer. Reinette et Mirabelle sont deux amies et colocataires au tempérament opposé qui débattent de questions morales du quotidien. C’est une inspiration directe, et cela fait partie même du point de départ du film. 



Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre collaboration avec Marie Rosselet Ruiz et sur la conception de son personnage ?

Vu le personnage et les dialogues que j’avais écrits, je cherchais une comédienne qui puisse, à la manière des comédiennes chez Rohmer sans doute, incarner très naturellement un personnage assez particulier. J’avais découvert Marie dans son film, Les Reines du mambo, où elle a ce mélange de naturel et d’originalité, ainsi qu’une présence comique. Je crois qu’elle s’est coulée dans la peau du personnage très naturellement, elle a même dépassé ce que je pouvais imaginer et espérer. Il n’y a pas vraiment eu besoin de réfléchir plus que ça à une conception de personnage, il y avait juste à travailler le texte.



Pouvez-vous nous parler de votre désir de filmer le 13e arrondissement de Paris ?

Pour des questions notamment d’économie légère du film, nous avons décidé de tourner chez moi. C’est pour cela qu’il se passe dans le 13e, un quartier qui m’est donc très familier. Ce n’est pas uniquement né d’un désir car il a aussi failli se tourner dans le 19e. Mais j’aime beaucoup mon quartier, et j’ai pris beaucoup de plaisir à filmer dans ces rues très colorées, graphiques, variées, et à essayer de représenter l’atmosphère très particulière qu’il m’évoque. 



Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 7 mai 2025. Un grand merci à Léa Baggi.

| Suivez Le Polyester sur BlueskyFacebook et Instagram ! |

Partagez cet article