Parmi les très bons courts métrages sélectionnés à la Berlinale, Jill, Uncredited était à la fois un ovni et un sommet. Le film d’Anthony Ing met en scène les 1001 apparitions à l’écran de Jill Goldston, figurante prolifique qui a pu apparaître autant dans Elephant Man que dans un clip de Kate Bush, en passant par de la télé britannique ou des films oubliés. Ce montage d’images où l’actrice figure sans cesse ouvre les portes d’un fascinant imaginaire : qui est cette inconnue qui semble traverser le temps et l’Histoire du cinéma ? Est-ce un fantôme, est-ce une femme restée dans l’ombre des autres toute sa vie ? Le résultat est aussi ludique qu’émouvant. Anthony Ing nous en dit davantage sur ce bijou désormais visible en exclusivité sur Mubi.
Quel a été le point de départ de Jill, Uncredited ?
Je voulais faire un film sur un figurant ou une figurante depuis longtemps. Leurs brefs moments à l’écran sont souvent tenus pour acquis, mais leurs rôles peuvent être émouvants et apporter tellement de vie et d’atmosphère à une scène. Je voulais me concentrer là-dessus, rendre cela personnel et explorer d’autres thèmes en cours de route. Je ne savais pas comment trouver la bonne personne, mais un jour, je suis tombé sur une communauté en ligne de cinéphiles qui aimaient identifier des figurant.e.s dans les vieux films britanniques. Jill Goldston avait été considérée comme l’une des plus prolifiques, mais elle n’avait pas été repérée tant que ça sur ce forum. Quelqu’un là-bas m’a mis en contact avec Jill elle-même et le projet a commencé à partir de là.
Parmi toutes les apparitions de Jill Goldston, comment avez-vous sélectionné les extraits et comment avez-vous construit le film à partir de ces images ?
La première étape a été d’essayer de la repérer dans autant de films que possible, et j’ai donné la priorité au matériel que je pouvais trouver dans la meilleure qualité disponible. Une fois que j’ai eu plusieurs centaines d’extraits avec lesquels je pouvais travailler, j’ai utilisé des interviews avec Jill pour m’aider à dessiner la structure initiale. Elle parlait de diverses expériences tout au long de sa vie et de sa carrière, comme son amour de la danse et le sens de la communauté sur le plateau. À partir de là, j’ai commencé à laisser le matériau montrer lui-même le chemin, et les connexions entre les images se sont trouvées de manière organique.
Jill est une figurante, mais l’accumulation d’images avec toutes ces Jill fait qu’on se demande si c’est un fantôme, un personnage qui traverse l’Histoire du cinéma, ou s’il s’agit simplement d’une femme qui est restée au second plan durant sa propre vie. Comment avez-vous abordé les différents récits ouverts par Jill, Uncredited ?
Trouver les différents récits, c’est né d’une réponse émotionnelle aux séquences elles-mêmes. Il peut y avoir tellement de questions soulevées quand on se concentre sur l’image floue d’une personne au second plan, et par conséquent, en révélant à plusieurs reprises cette même personne, ces questions reviennent sans cesse. Vous commencez à imaginer différentes choses et vous vous demandez quelle personne se cache derrière l’image. Si vous gardez ces questions ouvertes tout au long, il y a beaucoup de place pour explorer différentes couches narratives simultanément.
Qui sont vos cinéaste de prédilection et/ou qui vous inspirent ?
Lars von Trier a toujours été l’un de mes favoris, en raison de la façon dont il a pu expérimenter à partir de limites formelles. Je suis devenu un peu moins attaché à des cinéastes en particulier désormais, car en fait beaucoup de mes films préférés sont signés de cinéastes dont les carrières ne sont pas forcément aussi remarquables.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de différent, de découvrir un nouveau talent ?
Même si je n’ai pas eu la chance de tout voir, il y a d’autres courts métrages de la Berlinale que j’ai trouvés très excitants : Ours de Morgane Frund, The Veiled City de Natalie Cubides-Brady et La Herida luminosa de Christian Avilés en particulier.
>>> Découvrir Jill, Uncredited sur Mubi
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 6 mars 2023. Un grand merci à Charlie Shackleton. Crédit portrait : Loop.
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