Primée l’an passé au Transilvania Film Festival, la Russe Anja Kreis signe avec Folle nuit russe son premier long métrage. Cette comédie iconoclaste et remplie de mauvais esprit se déroule lors du basculement vers l’an 2000, à la fin du mandat de Eltsine. Une galerie de personnages se croisent et cherchent un sens à leur vie dans ce film où le rire peut être politique. Folle nuit russe sort ce 17 juillet en France et Anja Kreis vous en propose un premier aperçu…
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Quel a été le point de départ de Folle nuit russe ?
J’ai beaucoup écrit au sujet de ma ville natale, Ivanovo, durant mes cours d’écriture à l’école. Par conséquent, quand est venu le moment où il a fallu choisir une histoire pour mon projet de fin d’études, tous mes souvenirs étaient déjà ravivés. C’est de là que je suis partie.
Pourquoi avoir choisi de situer l’histoire du film à cette période en particulier, à la fin du mandat de Boris Eltsine et au basculement de l’an 2000 ?
Les « années zéro » en Russie ont constitué le pic de la dépression post-soviétique avant le début de l’ère Poutine. Quelque chose avait pris fin, mais le nouvel espoir n’avait pas encore été trouvé. Et puis l’an 2000 en particulier a pu être assimilé à la fin du monde comme certains ont cru voir cela venir, et situer le film à cette époque permettait de retranscrire l’aspect grotesque de ce contexte particulier.
Justement, Folle nuit russe est une comédie noire avec des éléments de grotesque. En quoi le grotesque était pour vous le meilleur moyen de raconter cette histoire ?
Je ne crois pas qu’on choisisse réellement le genre d’un film. C’est plus l’expression de la personnalité du réalisateur. Si je suis honnête avec moi-même, le film appartient au genre et au ton qui me vont le mieux. Je crois que je ne suis tout simplement pas du genre à prendre le monde trop au sérieux.
Comment avez-vous abordé le style visuel de votre film avec votre directeur de la photographie, Alexander Schwarz ?
On a d’abord discuté des choses élémentaires : la camera doit-elle bouger ou non, les couleurs doivent-elles être intenses ou non… Durant le tournage, il s’est davantage occupé de travail visuel concret tandis que je me suis plus chargée de la direction, du casting et de la production. Le mérite lui revient – nous avons un goût très similaire en matière de films et il comprend bien mon sens de l’humour.
Quels sont vos réalisateurs favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?
J’aime vraiment le sens de l’humour des frères Coen et leur manière de mêler les récits de différents personnages en un film. Leurs protagonistes sont souvent des idiots, qui s’entretuent les uns les autres, mais qui en même temps ont un charme… Et puis il y a Andrzej Zulawski, qui est je pense le réalisateur le plus fou du monde. J’adore son côté mystique et diabolique et la façon dont il montre le côté sombre des personnages. Ce sont des réalisateurs qui parviennent à créer un monde qui leur est propre.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?
Actuellement je suis tout à fait fascinée par les films iakoutes, comme ceux de Dmitrij Davydov. Des gens perdus au milieu de nulle part, dans la Sibérie du nord, qui tournent des films superbes d’un genre nouveau et qui m’ont happée. D’ailleurs je produit le prochain film de Davydov.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 3 juillet 2019. Un grand merci à Yann Kacou. Source portrait : Raphaï Bernus
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