Une femme vivant dans un mystérieux et déprimant pays rêve d’ailleurs. Voilà le point de départ de Untravel, dystopie en rouge, noir et gris, au ton surprenant entre cauchemar post-apo et malaise drolatique. Nous avons rencontré ses réalisateurs, la Serbe Ana Nedeljković et le Slovène Nikola Majdak Jr…
Quel a été le point de départ de Untravel ?
Ana Nedeljković : Untravel est un film sur le patriotisme, le tourisme et l’émigration. L’histoire est basée sur ma propre expérience traumatique que fut ma vie en Serbie durant la guerre et la crise. Parmi de nombreux problèmes, pour la plupart des citoyens il était très difficile de voyager en raison de la gestion très complexe des visas. Cela m’a affectée. Jusqu’à l’âge de 22 ou 23 ans, je n’avais jamais voyagé à l’étranger. J’en avais honte, pensant que d’une certaine manière c’était de ma faute et pas la conséquence de circonstances politiques tordues.
Nikola et moi-même avons décidé de transformer mon expérience personnelle (ainsi qu’un étrange rêve que je faisais souvent à cette époque) en une histoire plus générale sur la relation entre les frontières personnelles et politiques, sur ce qu’implique de vivre dans un pays isolé, sur la quête d’une utopie dans un espace réel.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le type d’animation que vous avez choisi pour raconter cette histoire ?
Ana Nedeljković et Nikola Majdak Jr. : Créer des mondes dystopiques en plasticine est notre spécialité. Nous avons choisi l’animation en stop-motion, ce qui nécessite beaucoup de temps. On a passé pratiquement un an sur Untravel. C’était un sacré défi d’animer ce petit monde gris image par image alors que dans le monde réel a lieu la crise des migrants tandis que de nouveaux murs qui s’élèvent partout sur la planète… Et nous étions enfermés dans notre studio pendant des mois à aider une marionnette en plasticine à s’enfuir d’un monde imaginaire fait de boites en carton et de photocopies.
Il y a quelque chose de très sombre dans l’atmosphère de dystopie post-apocalyptique de Untravel… et pourtant il y a aussi quelque chose de drôle dans toute cette étrangeté.
AN : J’avais très peur de faire ce film car il s’agit d’une histoire personnelle. Et je ne souhaitais pas faire un film pathétique sur une enfance pathétique dans les Balkans. Alors nous avons essayé d’utiliser l’humour et plus particulièrement l’auto-ironie dès que possible.
NKJ: Chaque matin sur notre chemin vers le studio, nous buvions du café et lisions les nouvelles. On collectait d’étranges histoires politiques de notre pays ou de l’étranger. Des histoires drôles, folles, et qui en réalité étaient toutes dangereuses. Ça nous a aidés à développer notre sens de l’humour.
Quels sont vos réalisateurs favoris ?
NKJ : Mon père, Nikola Majdak (oui, nous avons le même nom). Il était réalisateur, animateur, et il a exercé une grande influence sur moi.
AN : Nous aimons aussi Tim Burton, les frères Quay et Wes Anderson.
Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf au cinéma, de découvrir un nouveau talent ?
AN : Nikola travaille comme professeur à la faculté, et je suis monteuse pour des programmes éducatifs dédiés aux enfants et aux jeunes dans un centre culturel. Très souvent, nous sommes en contact avec des jeunes gens incroyables et certains d’entre eux ont des idées brillantes.
Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 3 octobre 2018.
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