Critique : Yamabuki

Maniwa, petite ville minière de l’ouest du Japon. Chang-su, ancien cavalier de l’équipe de Corée du Sud, criblé de dettes, travaille dans une carrière. Il vit avec Minami qui a fui son mari. Yamabuki, lycéenne, se met elle à manifester de manière silencieuse à un carrefour. À leur insu, les vies des habitants de Maniwa commencent à s’entrecroiser.

Yamabuki
Japon, 2022
De Juichiro Yamasaki

Durée : 1h37

Sortie : 02/08/2023

Note :

FLEURS SAUVAGES

La première image de Yamabuki est délicatement crayonnée, comme un croquis gratté sur un calepin. En un fondu, nous passons du dessin au réel mais ce dernier est examiné avec autant de délicatesse. Repéré il y a dix ans au Festival de Rotterdam avec The Sound of Light, le Japonais Juichiro Yamasaki (lire notre entretien) fait son retour au festival en présentant Yamabuki en compétition. Yamabuki se situe à l’ouest du Japon, dans une région rurale et multiculturelle qu’on a le sentiment de voir très rarement. Un sentiment qui vient aussi, peut-être, de ce que le cinéaste peut offrir et partager de singulier sur le monde qui l’entoure.

Tourné en 16mm, Yamabuki a une texture avec du relief, un grain presque physique. Il y a ici une aspérité pour dépeindre le quotidien de travailleurs dans une carrière, et la vie de tous les jours qui n’a rien de lisse. Les couleurs, elles, ont plutôt tendance à être désaturées. Mais de manière surprenante, c’est précisément ce « visuel muet » qui transmet les émotions dans Yamabuki, plus que n’importe quelle couleur vive ou image léchée. Les pierres, petites ou grosses, roulent et roulent encore dans le long métrage, et les non-événements semblent s’enchainer placidement. Mais il y a pourtant à voir dans ce film où l’on dit peu.

« Peut-être que personne ne nous remarquera dans cette petite ville », entend-on dans Yamabuki. Il est question d’absences dans le film, de pères ou de mères qui ne sont pas là ou sont éparpillés. Il est question de silences aussi, ceux que les protagonistes pensent devoir garder. Il y a dans Yamabuki une tension émouvante entre l’amertume ravalée, ce qui est tu, et une sensibilité toute humaine – comme les notes régulières de xylophones de la très belle musique originale. C’est un film dont l’élégance et la pudeur sont autant de petits trésors.

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par Nicolas Bardot

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