Festival de Rotterdam | Critique : Wind, Talk to Me

De retour dans sa campagne natale, entouré par les siens, Stefan trouve un réconfort tranquille dans le rythme de la maison.

Wind, Talk to Me
Serbie, 2025
De Stefan Djordjevic

Durée : 1h40

Sortie : –

Note :

LAISSE LE VENT EMPORTER TOUT

Les toutes premières images de Wind, Talk to Me montrent en gros plan l’écorce rugueuse d’un arbre. En s’élargissant, le plan inclut progressivement une main venue caresser le tronc. Le lien intime entre humains et nature est capté dans toute sa mystérieuse beauté à travers ce film singulier immergé en pleine forêt. Dans une maisonnette de campagne, les membres d’une famille vaquent à leurs occupations, et c’est tout. Cela pourrait être prodigieusement anti-événementiel, mais l’absence de tout contrechamp sur le reste du monde (ce dernier existe-t-il vraiment toujours?) fait planer sur cet almanach champêtre un entêtant voile de mystère. Le meilleur exemple se trouve dans une scène de dialogue où la caméra décide de se focaliser non pas sur les personnages mais sur l’espace vide et les buissons entre eux deux pendant qu’ils continuent de parler. Que filmer quand on veut filmer ce qui existe entre deux personnes ?

Les journées d’été défilent, les siestes du chat s’enchainent, parfois entrecoupées du bruit réconfortant de la pluie. On se croirait parfois face à une version radicalisée d’un film immersif de Bas Devos. Dans cette maison-univers baignée d’une atmosphère tantôt paisible ou plus austère, la mort semble être une idée abstraite, mais pas pour longtemps. Ici, une femme âgée demeure seule et alitée. Là, un chien blessé est recueilli et soigné comme on peut. La vie suit son cours mais sans naïveté. La manière dont le cinéaste Stefan Djordjevic nous invite a lire entre les lignes ne manque pas d’exigence mais la patience du spectateur est récompensée par une révélation inattendue. Celle-ci pointe son nez progressivement à partir du moment où les personnages à l’écran se mettent à regarder la caméra dans les yeux et s’adressent directement au cinéaste : sous ses airs fictionnalisés, Wind, Talk to Me est en effet un documentaire à la première personne, filmé dans la propre famille du réalisateur. Mais est-ce bien tout ?

Stefan Djordjevic souhaitait initialement réaliser un film sur la maladie de sa mère, et le décès prématuré de celle-ci l’a amené à faire le portrait de l’après : les liens qui demeurent parmi les membres de la famille restés dans la même maison. On comprend alors que la dame isolée dans son lit, c’était elle, et que les images la représentant datent de la première partie du tournage, ce qui explique qu’elle soit toujours seule à l’écran (ce qu’on ne remarque pas forcément de prime abord). On croyait voir là un personnage de fiction, c’était une personne de documentaire. On la croyait isolée des autres par un étage et des consignes sanitaires, elle se trouvait en réalité dans un autre temps que tous le reste de la famille. Dévoilé avec une lenteur concentrée, cette révélation n’en est pas moins éloquente dans sa manière de parler du deuil et de permanence du souvenir.

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par Gregory Coutaut

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