Jeanne part pour le Japon, à la recherche d’une plante médicinale rare. Lors de ce voyage, elle fait la connaissance de Tomo, un garde forestier, qui l’accompagne dans sa quête et la guide sur les traces de son passé.
Voyage à Yoshino
Japon, 2018
De Naomi Kawase
Durée : 1h49
Sortie : 28/11/2018
Note :
DANS L’ESPACE INOUÏ DE L’AMOUR
Une césure semble s’être opérée dans la filmographie de la Japonaise Naomi Kawase (lire notre entretien) entre Hanezu et Still the Water. Jusqu’à Hanezu, le style narratif de la cinéaste était plus impressionniste, davantage guidé par l’image que par l’écriture. A partir de Still the Water, ses films, qui conservent pour les meilleurs leurs fulgurances formelles, semblent plus écrits et s’inscrivent dans une structure narrative un peu plus classique. C’est ce qui lui a logiquement valu une plus large reconnaissance publique, à l’image de son plus gros succès en France et au Japon, Les Délices de Tokyo.
Avec une star à l’affiche (Juliette Binoche), Voyage à Yoshino semble poursuivre la mainstreamisation d’une autrice qui a su pourtant dans chacun de ses derniers films apposer son style si particulier. C’est un équilibre très délicat que réussit la cinéaste : s’ouvrir à un autre public sans renier ce qui constitue son cinéma. Yoshino investit quelques uns de ses thèmes fétiches : les forces de la nature, la construction familiale, le surnaturel tapi dans le réel… Ce nouveau film semble pouvoir citer son premier long (une vue d’une maison surplombant une mer d’arbres paraît directement venue de Suzaku) tandis que cette manière de personnifier la nature (et ses arbres qui chuchotent) rappelle Hanezu et ses montagnes amoureuses.
Quoi de neuf alors chez Naomi Kawase ? Juliette Binoche commentait l’urgence de la reconnexion entre l’homme et la nature. La nature prend en effet pratiquement tout l’espace ici : un ample mouvement de caméra sur la forêt dès les premiers instants, un soleil comme voilé et qui attend d’être ré-enchanté, et des flammes qui s’apprêtent à tout embraser. « Tu ne trouves pas la forêt étrange en ce moment ? », demande t-on. On est, dans Voyage à Yoshino, attentif au moindre bruissement de la nature comme on est attentif à la moindre respiration humaine.
Le film, à nos yeux, ne fonctionne pas entièrement. Sa seconde partie nous semble plus faible car la charge narrative (explications, flashbacks, aphorismes, péripéties) déséquilibre cette très fragile construction. Pourtant, en prenant au pied de la lettre ce qu’elle nous a expliqué dans notre entretien (l’idée de « rendre visible les choses qui ne le sont pas »), la réalisatrice réussit un surprenant mélo mystique perché, quitte à déborder vers le kitsch. Ce qui n’est pas un défaut : il y a du souffle dans ce débordement, du panache dans cette imagerie qui ne se retient pas et une certaine générosité dans le spectacle de la nature comme une exploration des battements du cœur humain.
>> Voyage à Yoshino est visible librement jusqu’au 15 avril 2021 sur le replay d’Arte
| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |
par Nicolas Bardot