Critique : Viet and Nam

Nam et Viêt s’aiment. Tous les deux travaillent à la mine de charbon, à 1000 mètres dans les profondeurs de la terre. Alors que Nam rêve d’une vie meilleure, un mystérieux chaman lui promet de retrouver la dépouille de son père, soldat disparu lors de la guerre du Vietnam. Avec sa mère, et l’aide de Viêt, il se lance dans cette quête, pour retrouver les fantômes du passé.

Viet and Nam
Vietnam, 2024
De Trương Minh Quý

Durée : 2h09

Sortie : 25/09/2024

Note :

MIRAGES

Dans la pénombre, des mains s’agitent. A l’intérieur d’ateliers, dans des fermes, au fond des mines, des hommes et des femmes s’activent chacune et chacun à leur tâche, comme s’ils devaient tous faire tourner les rouages d’une même machine géante. La caméra se focalise sur deux mineurs qui profitent d’une excavation pour s’embrasser en cachette de leurs collègues. Même dans cette parenthèse de tendresse, et même alors qu’ils se trouvent déjà en profondeur, leurs mains ne peuvent s’empêcher de creuser la terre, comme un reflexe. Qu’y a-t-il donc à repêcher dans ce qui a été enfoui par le temps ?

Ces deux jeunes hommes ne sont jamais nommés de tout le film. Le générique de fin confirment qu’il s’agit bien de Viet et de Nam, mais sans préciser qui interprète lequel des deux, comme si peu importait. Leur relation amoureuse secrète occupe une certaine part du long métrage, mais honnêtement pas tant que ça. L’homosexualité est ici traitée de façon complètement anti-événementielle, et ce n’est pour ainsi dire pas le sujet du film. Viet and Nam de Trương Minh Quý (lire notre entretien) a beau débuter avec un réalisme digne d’un documentaire, il s’agit bien moins d’un film social que d’une rêverie singulière et mélancolique où l’Histoire collective se mélange à la fable intime.

Viet et Nam ont pourtant le cœur tourné vers l’avenir. L’un d’entre eux est en train de se préparer à fuir le pays illégalement. Avant cela, il souhaite retrouver la trace de son père, soldat mort depuis longtemps. Accompagné de son amoureux, de sa mère et d’un ami de cette dernière, il va alors creuser (métaphoriquement, cette fois) vers son propre passé, celui de sa famille et de tout son pays. Grâce à un travail remarquable sur la texture de l’image, passé et avenir ont ici autant l’air d’un mirage l’un que l’autre.

De rituels chamaniques en cours d’Histoire, de grottes volcaniques en jungles à la terre noire, le récit de Viet and Nam évolue à son propre rythme selon un chemin parfois alambiqué qui rend le résultat bien exigeant. Mais ce film de fantômes tropical et poignant témoigne d’un vrai savoir-faire en terme de mise en scène, et l’on reconnait dans ce voyage doux-amer des échos des grands maitres de l’Asie du sud-Est : Rithy Panh, Lav Diaz, Apichatpong Weerasethakul.

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par Gregory Coutaut

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