Festival de Cannes | Critique : Urchin

À Londres, Mike vit dans la rue, il va de petits boulots en larcins, jusqu’au jour où il se fait incarcérer. À sa sortie de prison, aidé par les services sociaux, il tente de reprendre sa vie en main en combattant ses vieux démons.

Urchin
Royaume-Uni, 2025
De Harris Dickinson

Durée : 1h39

Sortie : prochainement

Note :

LA RUE DE LA HONTE

« Les amis, avez-vous déjà entendu parler de Jésus ? » : voilà la première réplique entendue dans Urchin ; il s’agit de propos tenus à la cantonade, dans la rue. Le protagoniste d’Urchin, Mike, déjà plus vraiment un gamin comme le suggère le titre du film, est un marginal, sans domicile fixe, atteint d’addictions. Pas grand-chose à attendre de Jésus, merci, et plus grand-chose à attendre de qui que ce soit dans une société ravagée par les politiques d’austérité outre-Manche. Urchin est le premier long métrage en tant que réalisateur de l’acteur britannique Harris Dickinson, vu chez Eliza Hittman, Ruben Östlund ou plus récemment dans Babygirl. Ce film a fait sa première mondiale au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard ; voilà qui est prestigieux mais on connaît aussi la complaisance du festival vis-à-vis de « films d’acteurs » qui parfois ressemblent davantage à de confortables séances de gala qu’à des révélations cinématographiques marquantes.

Bonne surprise : Urchin fait assez régulièrement preuve d’un vrai point de vue. Également scénariste, Dickinson parvient à nous synthétiser la situation de son personnage en quelques scènes : Mike est une anomalie dans la rue, demande des sous à répétition, trouve des excuses pour dormir ici ou là, déroule son matelas dans des endroits isolés. Cette succession de scènes courtes impriment une dynamique au film tout en nous informant sur ce qu’on doit savoir. La caméra est à distance, comme si l’on était dans la foule, ou sur le trottoir d’en face. Mais il n’y a pas de froide distance entre le regard de José Deshaies (talentueuse directrice de la photographie qui a collaboré à plusieurs reprises avec Bertrand Bonello) et Mike. Dickinson filme un personnage vivant plutôt qu’un sujet d’étude.

De fait, la finesse d’écriture donne de l’espace au personnage, son parcours n’est pas une ligne droite, il ne s’agit pas que d’un bloc sur un « marginal pauvre ». Voilà qui donne de la complexité et qui essaie d’être à la hauteur de son sujet. Urchin parvient aussi de manière assez fine à questionner notre point de vue. Sans en atteindre les sommets, le film est plus proche de l’aspérité qu’on peut trouver dans les premiers Ken Loach, que de ses derniers films plus lisses. Ainsi, lorsque Mike agresse un homme qui l’aide, le long métrage déjoue ce qu’on peut redouter de mièvre ou de facilement réconfortant. La situation n’est pas confortable, les sentiments ne le sont pas non plus, à l’image du paternalisme et de la condescendance avec lesquels on s’adresse à Mike, même pour l’assister.

Mike est aspiré par l’existence, comme l’eau qui s’écoule dans le siphon de la douche. Mais, à l’autre bout des canalisations, aussi surprenant que cela puisse paraître, il y a peut-être quelque chose. Dans la tête de Mike, il y a des images mentales, une échappée possible. Ces ruptures surprennent, comme surprend l’usage d’une musique électro inattendue dans ce cadre de cinéma social britannique. Jusqu’au bout, Urchin parvient s’écarter, même juste un peu, de ce qu’on peut attendre. Rien n’est aussi simple et bêta que les slogans de développement personnel écoutés par Mike. Le dénouement du film nous laisse à nous aussi de l’espace, évitant au long métrage d’être un simple sujet des Dossiers de l’écran. Urchin peut également compter sur la prestation remarquable de son acteur principal, Frank Dillane, investi dans son rôle avec autant de charisme que de failles.

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par Nicolas Bardot

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