Festival de Cannes | Critique : Un simple accident

Après un simple accident, les événements s’enchaînent…

Un simple accident
Iran, 2025
De Jafar Panahi

Durée : 1h41

Sortie : 10/09/2025

Note :

ON SE CONNAIT ?

A force de se dérouler dans des voitures, il était sans doute logique que le cinéma iranien finisse par atterrir dans un garage. Un simple accident démarre bel et bien dans l’habitacle d’une voiture en marche (une famille banale écrase un chien par mégarde – un simple accident en effet) mais c’est dans un garage que la séquence suivante dévoile et met en place les enjeux du scénario, quand ce père de famille vient faire examiner son véhicule. Vahid le garagiste ne voit pas le visage de cet homme qui vient d’entrer, mais il semble alerté par autre chose. C’est sur Vahid que se focalise dès lors le film. L’écraseur de chien sera bel et bien présent à ses côtés tout au long du récit à venir, mais son corps assommé et bâillonné sera recouvert d’un sac, prêt à être jeté sans autre forme de procès dans la tombe que Vahid va creuser juste pour lui. Que s’est-il joué dans cette ellipse au garage ?

Le reste de l’action se déroule majoritairement dans la camionnette de Vahid, celui-ci va traverser la ville à la recherche d’anciennes connaissances bien précises. Ancien prisonnier politique, Vahid a été torturé par la milice du gouvernement, et notamment par un homme terrible dont il n’a jamais pu voir le visage. Vahid est formel : l’homme qui est rentré dans son garage est ce bourreau, il a reconnu sa voix. Saisissant l’occasion de se venger, il va demander à d’anciens codétenus de l’aider à identifier ce corps inconscient. Ainsi, à intervalles réguliers, un nouveau personnage va donc monter dans la camionnette de Vahid, jusqu’à former un groupe de cinq hommes et femmes. L’une pense reconnaître son odeur, un autre reconnaît le bruit se sa jambe boiteuse. Indépendamment, nul n’est est position de pouvoir l’identifier à 100%, mais collectivement…

Un simple accident est sans doute le film le plus simple et direct de Panahi depuis longtemps. Aucune mise en abîme meta ne vient dévier la course du récit. Le moteur qui fait tourner Un simple accident, c’est la colère. Les anciens jeux narratifs élégants de Panahi laissent ici place non pas à un appel à la vengeance mais à un cri. Avides de rétribution, les personnages sont-il réellement capable ou même désireux de franchir le cap moral de devenir bourreaux à leur tour ? Avec honnêteté intellectuelle, le scénario de Panahi rend justice à la complexité de la question, notamment en n’ayant pas peur d’affronter sa part d’absurdité grotesque. A force de panique et de manigances, ces cinq enquêteurs improvisés ont en effet parfois l’air d’être au volant de la caravane de Scooby-Doo (une référence qu’on ne pensait pas relier un jour au cinéaste iranien). Un simple accident ne va bien sûr pas aussi loin que le très acide Pig de Mani Haghighi sur la question de l’humour. Si le dénouement n’est pas la partie la plus habile, l’ensemble demeure un drame subtil, porté par la rébellion et la douleur.

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par Gregory Coutaut

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