A voir en ligne | Critique : Un pays qui se tient sage

Alors que s’accroissent la colère et le mécontentement devant les injustices sociales, de nombreuses manifestations citoyennes sont l’objet d’une répression de plus en plus brutale. Un pays qui se tient sage invite des citoyens à approfondir, interroger et confronter leurs points de vue sur l’ordre social et la légitimité de l’usage de la violence par l’Etat.

Un pays qui se tient sage
France, 2020
De David Dufresne

Durée : 1h26

Sortie : 30/09/2020

Note :

PEUR SUR LA VILLE

Qu’est-ce qui justifie le déferlement de violences policières constaté lors de manifestations citoyennes ? Que nous racontent les images extrêmement nombreuses qui documentent cette violence ? Avec Un pays qui se tient sage, David Dufresne ouvre une réflexion nécessaire et constitue une véritable agora : des penseurs et des historiens, des représentants des forces de l’ordre et des anonymes victimes de violence témoignent et réfléchissent ensemble. C’est l’échange proposé par Dufresne, tandis que défilent des images d’Emmanuel Macron qui soliloque.

Quel ordre est protégé par les forces de l’ordre ? Ce « pays qui se tient sage » n’a visiblement pas trop intérêt à l’ouvrir. Le film nous montre des institutions protégées avant les citoyens qui peuvent être matraqués au sol et/ou mutilés. A l’injustice sociale qui fait descendre des gens dans la rue s’ajoute une autre injustice, un détournement des procédures pour brider la liberté de s’exprimer et de manifester. On fait de force rentrer dans les têtes qu’un manifestant est nécessairement un émeutier alors que les images ici montrées offrent le triste spectacle d’une violence légale de l’état dont la légitimité est plus que questionnée.

Dufresne prend le pouls d’un pays qui finit par être rappelé à l’ordre par la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme. Quel est l’état de cette démocratie de plus en plus autoritaire ? Un pays qui se tient sage observe cette escalade, et notamment ce sentiment grandissant d’impunité de forces de l’ordre qui violentent face caméra – ou en tenant la caméra. Le film tire son titre de ce qui s’est passé avec les lycéens de Mantes-la-Jolie, ces lycéens mis à genoux d’une « classe qui se tient sage ». Dans cette progression de la violence, le documentaire montre les banlieues comme un territoire d’expérimentation – jusqu’où ?

Nombreux sont les esprits brillants invités dans le film, nombreuses sont les citations de philosophes, d’Arendt à Rousseau – et d’un coup surgissent certaines images qui glacent. Celles des violences physiques, évidemment, mais aussi la violence verbale d’éditorialistes de chaînes infos qui légitiment face à un large public la violence – quand ils ne jubilent pas en direct. Pour citer une nouvelle fois Arendt et ses Considérations morales, Dufresne met en lumière ces policiers brutaux ou présentateurs vampires qui se retrouvent dans une inaptitude totale à penser – vers quel gouffre se précipite une telle société ?


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par Nicolas Bardot

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